Elle a eu raison de ne pas traîner, Maria Sharapova. Et puis, elle le désirait si fort, ce triomphe à Roland-Garros. Tout le monde, en fait, le lui souhaitait, tant son come-back après une pénible blessure à l'épaule droite est irrésistible de talent et de détermination, concrétisé par ses retrouvailles, entérinées depuis jeudi et qui seront officielles lundi lors de la publication du classement mondial actualisé, avec le trône de numéro un mondial. La patronne est de retour, la WTA s'est enfin retrouvé une patronne.
La Russe a certes un peu traîné dans le second set, à cause de cette diablesse d'Italienne de poche (1m64) qui a fait de la résistance, avec vaillance, grande animatrice de la saison sur terre battue sortie d'un peu nulle part en 2012. Mais elle a dû sentir la pluie arriver, et n'a pas vraiment laissé à sa rivale le loisir d'espérer la faire douter : 6-3, 6-2, le score ne reflète qu'à moitié la physionomie de la rencontre, puisqu'Errani s'est montrée courageuse en défense et dure à l'échange. Mais si on regarde le verre à moitié plein, rien ni personne ne semblait pouvoir se dresser entre Maria Sharapova et le dernier trophée du Grand Chelem qui manquait encore à sa collection, Roland-Garros : à l'image de sa quinzaine formidable, où elle a surtout brillé par sa capacité nouvelle à ne pas perdre ses nerfs, Sharapova a joué juste, puissant et agressif, scotchant sa ligne de fond de court, usant son adversaire dans les grandes largeurs en insistant dans des diagonales monstrueuses, balayant les lignes pour l'achever. L'assommant à coups et à cris (un incontournable de sa panoplie). Les deux joueuses de 25 ans disputaient simultanément leur première finale à la Porte d'Auteuil, mais elle semblait d'ores et déjà réservée à la revenante plutôt qu'à la nouvelle venue.
Puis, le calme après la tempête de coups et de hurlements. Les larmes, l'émotion immense, la sérénité, l'extase. A genoux sur le Central Philippe-Chatrier, Maria Sharapova savoure son bonheur, baignée par l'ovation du public. Victorieuse des Internationaux de France de Roland-Garros pour la première fois, elle devient la 6e joueuse dans l'histoire de l'ère Open à avoir réalisé le Grand Chelem en carrière, c'est-à-dire à avoir remporté chacun des quatre tournois du Grand Chelem. En l'occurrence, un de chaque : Wimbledon 2004, US Open 2006, Open d'Australie 2008, Roland-Garros 2012.
Et voici qu'elle se relève pour, un peu comme la fameuse "danse des pouces" de Tsonga (qu'on aimerait un jour voir à ce niveau d'un tournoi majeur...), faire sa danse de la victoire, girly, midinette, rayonnante. Championne.
Sur son banc, Sara Errani, qui a reçu un soutien du public qui ne trompe pas, craque enfin. La nervosité était à son maximum, l'enjeu était immense pour elle aussi, ses yeux lapis-lazuli sont noyés de larmes calmes. Invisible au plus haut niveau précédemment, l'Italienne réalise une saison fabuleuse (finale en janvier à l'Open d'Australie, puis victoires à Acapulco, Barcelone et Budapest) et peut se consoler avec une victoire dans le tournoi de double à Roland-Garros 2012, associée à sa compatriote Roberta Vinci. Après avoir soulevé le plateau d'argent de la finaliste malheureuse, place à l'héroïne, d'une tête de plus qu'elle : donnée pour perdue pour le tennis deux ans en arrière, Maria Sharapova brandit la coupe remise par une Monica Seles très glamour et apparemment très fière : trois fois victorieuse sur la terre parisienne, l'Américaine sait très bien ce qu'il en coûte de revenir au plus haut niveau après une blessure quasi-fatale, elle qui avait été poignardée en plein match à Hambourg en 1993 et avait lutté pour vivre à nouveau de grandes émotions tennistiques (dont une ultime finale à Roland en 1998)...
Maria Sharapova a entériné son retour. Et si le moment, samedi, a été "irréel", il n'est que le début d'une nouvelle carrière, assure-t-elle en brandissant cette force qui l'anime : "Je ne me suis jamais cherché d'excuse, j'ai travaillé dur et je suis très fière de ce que je viens de réussir." Mais avant le rendez-vous de Wimbledon, elle savoure : "C'est le moment le plus unique de ma carrière alors que je ne m'attendais plus à ressentir ça. Quand j'ai gagné Wimbledon à 17 ans en 2004, je pensais que ce serait le moment le plus précieux de ma carrière. Mais aujourd'hui quand je suis tombée à genoux sur le court, j'ai réalisé à quel point, là, c'était encore plus spécial."
G.J.