Comment succéder à une figure comme Jean-Pierre Pernaut ? Comment imprimer son propre style quand celui de son prédécesseur a autant marqué l'histoire de l'info télé ? Comment préserver l'audience qu'il avait su au fil des années fidéliser ? Mais aussi, comment se réinventer ? Comment rajeunir le format d'un JT qui pouvait paraître ronronnant ? Telles étaient quelques-unes des questions, et quelques-uns des défis qui attendaient Marie-Sophie Lacarrau lorsqu'elle a appris, en septembre 2020, qu'elle allait s'installer dans le fauteuil de l'ancienne star du JT de 13 heures de TF1 lorsque celui-ci aurait quitté l'antenne quelques mois plus tard... Si lors de son baptême du feu, le lundi 4 janvier 2021, son premier journal avait attiré 6,44 millions de téléspectateurs, curieux peut-être de voir cette nouvelle tête sur cette chaîne, plus de trois ans et demi après sa prise de poste, force est de constater que la transfuge du JT de France 2, a réussi son pari...
"Ce journal de 13 Heures est un ovni. Il réalise des scores inégalés à l'échelle européenne à la mi-journée. C'est merveilleux !" s'enthousiasmait Marie-Sophie Lacarrau auprès de Puremédias en avril 2024. Elle avait de quoi se réjouir. En moyenne, sur une année, son journal réunit quotidiennement près de 4,5 millions de téléspectateurs, soit plus de 40% du public devant son téléviseur. Une performance exceptionnelle, fruit d'un long travail, mais obtenue aussi au prix de lourds sacrifices personnels...
Lorsque Marie-Sophie Lacarrau n'est pas à l'antenne, que les micros sont éteints, elle laisse facilement revenir dans sa voix cet accent légèrement chantant, ces "r" un peu roulants, qui laissent peu de doute sur ses origines. Elle n'est pas née à Paris. Elle est même née loin de là, à Villefranche-de-Rouergue, dans l'Aveyron, le 20 septembre 1975, il y a tout juste 49 ans avant d'aller vivre vers Narbonne, dans l'Aude. Comme bon nombre d'habitants de la région Occitanie, c'est ensuite à Toulouse que la jeune femme est allée faire ses études, notamment dans le prestigieux lycée Pierre de Fermat où elle a suivi une classe préparatoire littéraire avant de faire une licence de lettres modernes.
C'est dans sa région qu'elle fait ses premières armes dans le journalisme télé sur les antennes régionales de France 3 Quercy Rouergue où elle obtient son premier contrat en 2000 avant d'intégrer la rédaction de France 3 Midi-Pyrénées.
"Dans son succès, se souvenait pour Le Tube, sur Canal+, il y a 6 ans, Fabrice Valéry, son ancien rédacteur en chef, il n'y avait pas que la manière de prendre la lumière, il y avait aussi la manière d'écrire, de présenter le journal, de se comporter et de faire une synthèse de l'actualité, ce qu'elle fait très bien, et ce qu'elle a fait très bien dès le départ." Après avoir été sur le terrain, comme lors de son premier reportage, le 25 juin 2003, où on la voit se jeter dans le vide en testant une tyrolienne, elle devient, en 2005, présentatrice du journal.
Une première qu'elle n'oubliera jamais. "Toute la journée, j'ai espéré qu'il y aurait une énorme panne technique à la régie et que le JT serait annulé," se remémorait-elle 10 ans plus tard dans les colonnes de La Dépêche du Midi. "Je n'en menais pas large quand je me suis assise dans le fauteuil du présentateur. Pierjan Frison, (NDR : son prédécesseur), qui m'avait formée toute la semaine précédente, est heureusement resté dans un coin du plateau pour me soutenir. Le dernier conseil qu'il m'a prodigué, quelques secondes avant l'antenne, c'est de faire tranquillement mes lancements les uns après les autres, et de m'adresser à ma famille à la fin du journal quand je devais dire merci et au revoir, afin d'être plus chaleureuse. Dix ans plus tard, j'applique toujours ses conseils à la lettre à chaque JT."
Sa famille, elle peut toujours lui dire "merci"... Lorsqu'elle prononce ces mots, la journaliste a déjà commencé à effectuer des remplacements dans les éditions nationales. Elle joue parfois les jokers de Carole Gaessler, dans le 19-20, ou celui d'Élise Lucet , au 13h, mais elle vit encore à cette époque avec son mari, Pierre Bascoul, directeur d'une société de production audiovisuelle, et ses deux enfants Malo et Tim, désormais adolescents, dans un village du Lauragais. Ces va-et-vient entre la capitale et le sud sont déjà des sacrifices : "Toutes les années où j'ai été joker, j'ai sacrifié mes vacances en famille. Je n'ai pas eu d'été pendant un moment. Ce n'était pas évident. Quand autour de vous tout le monde fait des projets. Nous, on n'en avait pas," relevait-elle en juin 2021 dans le podcast Femmes de Télé.
Elle s'en satisfait toutefois pleinement, ainsi qu'elle le confiait alors à La Dépêche du Midi : "J'ai cette chance inouïe de m'éclater dans mon travail et cela suffit à mon bonheur. Je profite de l'instant présent et je ne cours pas après ce qui va m'arriver. Si on me propose un poste à Paris, j'y réfléchirai, mais la qualité de vie ici est tellement extraordinaire que je n'ai pas encore fait mes valises."
Au regard du talent que ce joker de luxe démontre, l'offre n'a pas tardé. Le 5 septembre 2016, elle s'installe dans le fauteuil d'Élise Lucet au 13h de France 2. Mais pour ce faire, elle doit quitter la région toulousaine pour "monter à la capitale". Nouveau sacrifice...
"C'était une sacrée décision à prendre," évoquait-elle dans le podcast, "et qui a engagé toute la famille. Quelque part, on a accepté de changer de vie. On a renoncé à une certaine qualité de vie qui comptait pour nous, on en a trouvé une autre. On a trouvé un autre équilibre." La journaliste ajoutait que ce n'était pas évident à assumer, comme choix, pour une maman, en ayant bien conscience toutefois que d'autres vivaient des choses bien plus compliquées et qu'une mobilité professionnelle n'avait toutefois rien d'exceptionnel. Elle peut d'ailleurs désormais s'offrir de très jolies vacances...
Dans ce même entretien, notre consoeur, qui souffre régulièrement d'un problème de santé qui la prive d'antenne, trouvait toutefois les moyens de se réjouir. Elle faisait en effet remarquer à son interlocutrice que "Le 13h, c'est la meilleure édition pour une maman". La remplaçante de Jean-Pierre Pernaut reconnaissait en effet revenir chez elle très tôt afin qu'à 18h, elle puisse être avec les siens, "pour faire les devoirs et débriefer la journée". Après les sacrifices, un équilibre enfin trouvé.