Il a l'image d'un jeune surdoué hanté par un caractère violent. Teddy Tamgho, recordman du triple saut en salle, possède une personnalité complexe et difficile à appréhender. Dans les colonnes de L'Équipe Mag, c'est un jeune homme "timide et emprunté" qui se confie. Loin du Teddy Tamgho accusé de violences envers une jeune athlète du Creps de Boulouris et en attente d'une décision de justice du tribunal de police de Fréjus quant à la suite à donner aux trois plaintes déposées par les victimes...
Un intellectuel de l'athlétisme
Des accusations qui lui ont valu une suspension avant de se blesser et d'être privé de Jeux olympiques auxquels il n'a assisté qu'en tant que simple spectateur. "J'ai ressenti du plaisir. Et même de l'excitation !", confie-t-il cependant. Car Teddy Tamgho a observé ses adversaires, leur comportement, analysé leurs gestes. Le champion tricolore est en effet un passionné de son sport, un boulimique de travail qui avale des centaines de pages d'ouvrages sur la préparation physique, l'optimisation de l'entraînement et n'hésite pas à distiller ses conseils à de nombreux athlètes professionnels. Si bien qu'il n'est pas rare de voir Teddy Tamgho un bouquin à la main sur les pistes d'entraînement, comme celui du Roumain Tudor Bompa, professeur d'université au Canada, ancien rameur à l'origine de la périodisation de l'entraînement développée par l'URSS. "Ah ouais, Bompa, c'est une référence sur la méthodologie et la programmation, explique-t-il. Pour ma connaissance de mon sport, ce genre de bouquin est très utile. Essentiel même. Si je veux être présent à chaque championnat, atteindre mes limites ou faire péter un record du monde, il me faudra bien connaître mon sujet, bien me connaître aussi. Là, je termine un manuel d'entraînement de l'Allemand Jürgen Weineck, un pavé de 400 pages."
Et pour cause. Teddy Tamgho refuse de n'être qu'un simple exécutant qui remettrait toute sa carrière entre les mains d'un coach : "Je m'efforce de ne pas rester un ouvrier qui fait un travail à la chaîne. Je veux comprendre ce que je fais. C'est la passion pour ma discipline qui m'anime ainsi."
Rage intérieure
Celui qui cite aisément le Dalaï-lama et que l'on sent d'un calme olympien à sa façon posée de répondre aux questions est aussi capable d'exploser. Un mal nécessaire lorsque l'on fait de la compétition selon lui : "Dans un concours, il faut être fou. Pour accomplir un truc hors norme, il faut pousser tous les boutons à fond. C'est ce grain de folie qui te permet de libérer ton potentiel. C'est une fois au pied du mur qu'il vous arrive des trucs de fou. L'instinct de survie permet d'accomplir des choses dont on serait incapable en temps normal. On perd toute inhibition. On n'a plus peur de rien, ni de mordre, ni de se rater. (...) Il est nécessaire de débrancher le cerveau."
Une dualité que Teddy Tamgho résume en une phrase : "Il y a plusieurs Teddy à l'intérieur." Une double personnalité qui lui a donc valu de sortir de ses gonds l'année dernière et de s'en prendre à une jeune athlète, une agression qu'il tente aujourd'hui d'expliquer : "Parfois on craque, quelle que que soit la part de sagesse ou d'intelligence qu'on a. J'étais blessé, dans une période difficile... (...) Je ne dis pas que ce que j'ai fait, c'était bien, mais je ne suis qu'un humain. Je ne cautionne pas ce genre de réactions. Je regrette d'en être arrivé là."
Agression et regrets
"J'ai commis l'erreur de laisser traîner une situation, poursuit-il. Et les choses se sont accumulées... Depuis plus de deux ans, des gens venaient me dire : 'Cette fille a dit ceci, cela sur toi.' Elle balançait des messages : 'Je suis sortie avec Teddy. Il veut que vienne vivre avec lui, on va se marier, etc.' A force, ça m'a gavé. Au départ, j'ai été la voir tranquillement pour discuter. Mais entourée d'amis, quand elle a été prise en défaut, elle a eu une réaction agressive. Des insultes sont parties, et puis le reste..."
Résultat, ses sponsors le lâchent, il est suspendu et son image en prend un coup avant que sa mère, Alice, n'apprenne la nouvelle : "Elle m'a téléphoné, inquiète. Puis m'a demandé ma version. Elle m'a dit que c'était dommage d'en arriver là. Elle était triste du buzz et de mes débordements. Voir son fils à la télé dans ce genre d'histoire, ce n'est pas facile. (...) Ma mère est solide, mais j'ai senti qu'à l'intérieur, elle avait mal."
Loin de se faire discret, Teddy Tamgho décide alors de mettre en ligne un rap où il règle ses comptes. "Un coup de tête" selon lui : "J'avais trouvé une instru et j'ai eu l'inspiration pour écrire un texte en dix minutes. Certains peuvent penser que c'était une connerie. Je ne crois pas. C'était ma façon de lâcher. (...) Dans ce rap, j'expliquais ce que j'avais sur le coeur. Je trouvais que la fille en rajoutait. Je me demandais si sa motivation n'était pas de faire du buzz. Je parlais aussi de ma mère."
Une double personnalité qui le sert autant qu'elle le dessert. Mais avec suffisamment de recul, Teddy Tamgho conclut : "Mon tempérament reste une qualité. Mais comme toute force, si elle n'est pas maîtrisée, elle devient une faiblesse..."