Qui aurait pu prédire que la promotion 2013 de la Légion d'honneur aurait autant fait parler d'elle ? Si Gérard Depardieu n'avait pas annoncé son exil fiscal en Belgique, l'annonce serait probablement passée inaperçue.
Mais voilà, en plein débat national sur l'exil fiscal, la promotion au rang de chevaliers de l'ordre national du mérite par un décret de la présidence de la République de certains joueurs de tennis installés en Suisse fait tâche. Et n'a pas manqué de provoquer les commentaires amères et acerbes, aussi bien de la part des politiques que du monde impitoyable de l'internet.
Pourtant, l'exil fiscal n'est pas une nouveauté chez les sportifs, et particulièrement chez les joueurs de tennis. On se souvient ainsi de l'audition le 19 juin 2012 au Sénat de Yannick Noah et Guy Forget par une commission d'enquête sur l'évasion fiscale. La polémique revient également à chaque rencontre de Coupe Davis, où les joueurs défendant les couleurs tricolores habitent pour la plupart en Suisse... Et si la porte parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a vainement tenté de défendre cette situation légèrement ubuesque, ce sont les joueurs eux-mêmes qui ont tenu à réagir aux attaques dont ils sont l'objet.
Julien Benneteau, médaillé olympique de bronze à Londres s'est ainsi confié dans les colonnes de L'Équipe : "Je mentirais si je disais que je suis à l'aise avec ce sujet. Quelque part, on ne devrait pas nous laisser faire ça. (...) Les gens nous jugent sans avoir tous les éléments pour le faire. On est des sportifs individuels et notre carrière ne dépasse pas dix ans. Si on se blesse six mois, on gagne zéro. On n'a pas un contrat de quatre ans dans un club qui nous garantit quoi qu'il arrive un salaire."
Si la démarche n'est pas illégale, elle focalise l'attention, aussi bien des médias que du grand public qui s'interroge. Ce à quoi tente de répondre Julien Benneteau. "Notre métier nous oblige à être hors de France six à sept mois de l'année. Moi, 80% de ce que je gagne, je le gagne hors de France. Et, hormis au Qatar et à Dubaï, on paie à la source 25 à 30% d'impôts sur tout ce qu'on gagne à l'étranger. Les gens ne savent pas qu'une saison complète nous coûte de 100 000 à 150 000 euros (voyages, coach, frais du coach...). Bien sûr, ils ne savent pas qu'on ne bénéficie pas de la Sécu, ni de la retraite, ce qui d'ailleurs est tout à fait normal. Quand on passe une radio ou une IRM, on paie de notre poche."
Si Julien Benneteau tente d'être pédagogique, Gilles Simon se montre lui légèrement plus véhément, même s'il reconnaît que sa situation précaire de sportif ne peut se comparer avec celle d'un ouvrier victime d'un plan social. "Moi, en 2006, après ma première saison pro, j'ai payé 75% d'impôt en France. Oui, 75%. (...) Chacun à son seuil de tolérance. Pour moi, c'est 50%. A 75% on est pas loin du confiscatoire. Moi, j'assume et je suis à l'aise avec ma situation parce que j'ai en main toutes les données qui sont très techniques. Je n'aurais aucun problème à débattre de ça. A condition d'aller au fond des choses. Sinon, ça ne sert à rien."
Quant à Jo-Wilfried Tsonga, qui avait eu le droit à une petite pique du journaliste sportif Pierre Salviac, c'est par son compte Twitter qu'il a tenu à répondre : "Je ne suis pas parfait, mais, avant de pointer les autres du doigt, vérifie bien que tes mains sont propres."
Les interviews d'après-matchs s'annoncent des plus cordiales.