Festival de Cannes 2014. À quelques semaines du début de la Coupe du Monde au Brésil, United Passions est dévoilé, hors compétition, sur la Croisette. Gérard Depardieu, Tim Roth, Sam Neill... Un beau trio d'acteurs pour un biopic a priori intriguant pour tout amoureux du ballon rond. Christine Gozlan, productrice de ce film ambitieux ayant coûté 22,5 millions d'euros, ne se doutait alors pas qu'United Passions deviendrait la cible d'une critique acerbe et virulente, d'un public qui juge – souvent sans avoir vu. Elle ne savait pas non plus que les scandales liés à la FIFA que dirige Sepp Blatter, allait nuire à l'exploitation de son film, finalement condamné à une sortie DVD après l'échec cuisant subit dans quelques salles...
Citant d'emblée cette violente critique du New York Times clamant qu'United Passions était le film "le plus irregardable de mémoire d'homme", Christine Gozlan a pris la parole via Le Film Français, le temps d'une mise au point nécessaire. La productrice s'est étonnée de la descente aux enfers de son film "d'autant que (presque) personne ne l'a vu" et que la "plupart des journalistes français s'étaient contentés de voir rouge à la simple évocation de la Fifa".
Il n'a jamais été question d'offrir un miroir flatteur à la Fifa.
On aurait ainsi tout lu sur ce film qui retrace 100 ans de l'histoire de la FIFA, de la première Coupe du Monde et de l'époque Jules Rimet (campé alors par Depardieu), à l'attribution de la compétition à l'Afrique du Sud pour l'édition de 2010. Gozlan se défend alors d'avoir signé "un film de 'propagande'" destiné à redorer le blason d'une FIFA qui a grandement financé le projet (elle ne s'en cache pas) sans avoir toutefois agi sur le montage final de Frédéric Auburtin, le réalisateur. Pour elle, "il n'a jamais été question d'offrir un miroir flatteur à la Fifa", mais bien de raconter l'histoire d'une institution et même d'offrir "une grille de lecture intéressante sur la crise actuelle que traverse la Fifa, sur la façon dont Sepp Blatter a conquis le pouvoir de cette institution". Sepp Blatter, déjà au coeur de polémiques lorsqu'il découvre le film, aurait félicité l'équipe, trouvant l'oeuvre finale "autocritique" selon sa productrice qui évoque des "échanges cordiaux et constructifs" et maintient qu'Auburtin a conservé le director's cut (tout en évitant le risque de diffamer).
Le film est devenu le prétexte aux critiques les plus violentes et à la fois vides de sens.
Gozlan se félicite néanmoins d'avoir "injecté plus de 20 millions d'euros dans l'industrie et les compétences françaises" et qu'en France, "le droit d'auteur reste plus fort que l'argent", mais elle ne reviendra pas sur les qualités – ou plutôt défaut vu l'accueil critique glacial – du film. Soulignant le "travail rigoureux et talentueux de ceux qui ont travaillé à cette belle reconstitution", Christine Gozlan déplore en revanche "une campagne de presse britannique virulente" alors que le film n'avait pas encore été montré à Cannes. Regrettant "le jeu de massacre", elle pointe également du doigt les distributeurs français dont aucun, "parmi ceux ayant apprécié, ne s'est senti les épaules de le sortir au cinéma dans un court laps de temps". Contrainte à le sortir en vidéo à la demande et DVD, Christine Gozlan a dû ensuite affronter le très glacial et médiatisé accueil américain. Le distributeur US décidait alors de le sortir pour la Coupe du Monde féminine (qui s'est tenue du 6 juin au 5 juillet dernier au Canada), moment où "l'actualité le rattrape et ne le mette en valeur sous un jour négatif". United Passions signera l'un des pires résultats au box-office avec 607 dollars de recettes.
"C'est ainsi que ce film, dont nous aurions pu vanter l'initiative et la qualité, est devenu le prétexte aux critiques les plus violentes et à la fois vides de sens, tant il est difficile d'argumenter sans avoir vu le film", constate la productrice française qui dit ne pas "s'étonner de telles pratiques" après 40 ans de métier, invitant ceux qui désirent se faire un avis, à voir le film.