Si l'annulation du visa d'exploitation de La Vie d'Adèle a suscité de vives réactions dans le milieu du cinéma, il y en a un que ça ne dérange pas outre mesure : son auteur. Abdellatif Kechiche a en effet jugé que cette décision lui paraissait "plutôt saine" et qu'une interdiction aux moins de 16 ans ne le "dérangerait pas", rapporte Le Monde. "Je n'ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu'elle ait 14 ou 15 ans", assure le metteur en scène franco-tunisien.
Le cinéaste, qui déclarait à Nice Matin trouver "tout à fait normal que l'on avertisse les adolescents", n'était même pas au courant de l'action en justice de l'association Promouvoir. Quoi qu'il en soit, Kechiche ne veut pas aller dans le sens du distributeur de La Vie d'Adèle, Wild Bunch, avec lequel il est très en froid. "Ça commence à ressembler à un gag", lâchait mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l'un des dirigeants de Wild Bunch, en apprenant l'annulation du visa d'exploitation en raison de "scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public".
Pour Kechiche, son film n'avait pas vocation à choquer, pas plus qu'il n'avait vocation à être vu par le plus grand monde, y compris par un public d'adolescents, vers lequel Wild Bunch se serait tourné dès la sortie du film en militant pour une interdiction aux moins de 12 ans - jugée plus que faiblarde par certains observateurs, pour qui la scène de sexe de sept minutes flirte avec la pornographie. En ce sens, le réalisateur affirme avoir "tout de suite dit que La Vie d'Adèle ne s'adressait pas aux enfants, mais à un public d'adulte". Il poursuit, dans Le Monde : "Mes films touchent à l'adolescence, mais s'adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l'adolescence. Cela a plus d'intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n'ont pas encore vécu la douleur d'une rupture. C'est avant tout un film sur la rupture."
Sorti en octobre 2013, La Vie d'Adèle ne risque plus grand-chose en ce qui concerne son exploitation. En revanche, les propos d'Abdellatif Kechiche ne peuvent que donner raison à l'association Promouvoir, et jouer en défaveur de futurs réalisateurs dont les oeuvres seront visées par des interdictions plus fortes (et donc moins d'écrans, des exploitants plus frileux...) La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, à qui les plaignants reprochaient une "erreur d'appréciation", a désormais deux mois pour restreindre l'accès au film, avec une interdiction aux moins de 16 ou 18 ans.