C'est bien connu, Abel Ferrara n'a pas sa langue dans sa poche. Si le réalisateur marginal semblait avoir perdu de sa verve incendiaire, surtout dans son cinéma beaucoup plus lisse selon certains spécialistes, Welcome to New York s'est chargé de rappeler que le sulfureux cinéaste ne manquait pas de ressources lorsqu'il s'agissait de verser dans le grand n'importe quoi. A Cannes, son Welcome to New York avait éclipsé la compétition officielle le temps d'une semaine. Au grand dam de Gilles Jacob.
Plus tard, on a appris que le long métrage inspiré directement et librement de l'affaire DSK/Diallo (mai 2011) faisait grincer des dents dans l'entourage des deux ex-époux, Anne Sinclair et Dominique Strauss-Kahn. Si bien que ce dernier, sali par l'image qui ressortait du film, a décidé d'attaquer en justice quand Anne Sinclair se contentait d'être incisive devant les caméras. "Je m'en fous de ce type", lâche d'emblée Abel Ferrara lorsqu'on lui demande, au cours d'une interview accordée à Paris Match en kiosques ce jeudi 12 juin, pourquoi tant de haine envers le dirigeant socialiste. "Peut-être que Gérard le connaît, mais moi, Dominique, je ne le connais pas", assène-t-il.
Pour Abel Ferrara, toute mention de DSK dans un processus de création est inutile. Il est un auteur. Alors, le procès, il s'en moque quelque peu. "J'ai appris que le mec voulait me poursuivre. Bon, ça fait pas plaisir, mais ça fait partie du jeu", invoque le cinéaste qui a embrayé sur un autre film polémique porté sur la mystérieuse disparition du cultissime Pier Paolo Pasolini. Et de conclure : "Je ne me sens pas concerné par le procès. Je suis un artiste, je vais continuer de faire mes trucs d'artiste."
En revanche, s'il ignore Dominique Strauss-Kahn, il ne tarit pas d'éloges sur sa véritable muse, Gérard Depardieu. "Il m'a ramené à la vie. Il m'a sauvé de mon attitude cynique, assure le cinéaste new-yorkais. Avant lui, je faisais des films comme un con, je ne savais plus si j'en avais vraiment envie." A défaut d'étiqueter Depardieu comme un héros, Abel Ferrara ne manque pas de souligner son courage : "Quand on le fait chier, il prend son passeport, le déchire et en récupère un russe fait par Poutine. Putain, qui d'autre est capable de faire ça ?", distille presque admiratif, Abel Ferrara, dans sa fameuse verve.