Chacune à sa manière se bat pour faire bouger les choses. Le 29 février 2020, lors de la dernière cérémonie des César qui a glorifié Roman Polanski malgré la polémique, Adèle Haenel a quitté son siège et la salle Pleyel de Paris avec la rage au ventre. "On se lève et on se casse". Ces mots de Virginie Despentes, pour décrire cette réaction furibonde, sont restés à tous les esprits. Mais la comédienne, elle, a conservé un autre souvenir de la soirée. Celui d'Aïssa Maïga qui, face à un public d'une froideur désespérante, dénonçait le manque cruel de diversité dans le monde du septième art.
En référence au rôle de Vinz, incarné par un blanc dans le film La Haine – de Mathieu Kassovitz –, Aïssa Maïga s'était permise d'alpaguer Vincent Cassel – lui qui a feint de ne pas comprendre. "C'était toi le renoi du cinéma français avant la diversité, se désespérait-elle. Je te mets dans le quota, ça te va ou pas ?" Et pendant ce temps-là, elle comptait péniblement les personnes noires présentes dans le public, c'est à dire très peu. "Comment on fait pour garantir que la lutte contre les discriminations, pour que l'égalité, l'équité, soit aussi visible que le reste, poursuit-elle dans les colonnes de Libération. Je n'ai aucune certitude sur le comment faire. Mais il faut le faire. Quand, au lendemain des César, je reçois un SMS d'Adèle alors qu'on ne se connaît pas et qu'elle m'écrit pour dire 'Je t'ai entendue. Je suis là. Rencontrons-nous'. Ça peut être aussi simple que ça."
Depuis longtemps, Aïssa Maïga dénonce le nombre très restreint d'actrices et acteurs noirs qui ont leur chance dans le cinéma français. Elle regrette, encore plus, le type de rôles qu'on leur propose. Elle fait partie, avec Nadège Beausson-Diagne, Mata Gabin, Maïmouna Gueye, Firmine Richard, Sonia Rolland ou encore Karidja Touré, du collectif Noire n'est pas mon métier. "C'est une évidence, mais ce n'est pas immédiat, explique Adèle Haenel de son côté, elle qui a manifesté avec sa consoeur, le 2 juin 2020, en soutien à Adama Traoré. Ça met du temps avant de devenir une évidence insupportable. Quand Aïssa prend la parole, c'est courageux parce que la salle est glaciale et que ça jette un froid. J'avais trouvé ça drôle, je m'étais dit 'Enfin, il se passe un truc politique'". Il est grand temps, effectivement, que la parole se libère...