Si tout roule sur le terrain pour le Bayern Munich, l'institution bavaroise tremble dans ses fondations. Son puissant patron, Uli Hoeness, est poursuivi par un tribunal de Munich pour fraude fiscale. Un délit passible de dix années de prison outre-Rhin.
Devant le tribunal, le président du club de Franck Ribéry a reconnu avoir fraudé le fisc allemand. "J'ai fait de l'évasion fiscale", a-t-il ainsi admis ce 10 mars alors que s'ouvrait son procès. "Je regrette profondément mon comportement délictueux", a-t-il ajouté, souhaitant refermer "ce chapitre affligeant" de sa vie. Volontiers donneur de leçons, chantre du fair-play financier (système qui consiste pour les clubs à ne pas dépenser plus que ce qu'ils gagnent), l'homme s'est toujours présenté comme un modèle d'intégrité et d'honnêteté, menant une vie simple avec sa femme épousée il y a quarante ans.
Sauf qu'aujourd'hui, Uli Hoeness doit répondre d'une fraude portant sur 33,5 millions de gains non déclarés entre 2003 et 2009, placés sur un compte en Suisse lui-même non déclaré. Et si la presse évoquait dans un premier temps la somme de 3,5 millions d'euros comme manque à gagner pour le fisc allemand, le préjudice s'élève en réalité à 18,5 millions d'euros ! Le boss du Bayern Munich, auteur d'un formidable triplé la saison passée (Ligue des champions, championnat, Coupe d'Allemagne), a reconnu la fraude, à en croire les documents bancaires de sa défense consultable depuis ce lundi et fournis à la cour quelques jours avant le procès. Le parquet de Munich évoquait dans son acte de renvoi un montant de 3,5 millions d'euros, bien loin des 18,5 millions reconnus par l'accusé.
Toutefois, Uli Hoeness a tenu à rappeler qu'il avait versé 5 millions d'euros à des oeuvres sociales. "Je ne suis pas un parasite de la société", a-t-il expliqué. Reste que le tout puissant dirigeant de 62 ans risque une très lourde peine, même s'il demeure pour le moment le boss du Bayern Munich.
Il encourt ainsi jusqu'à dix ans de prison, sachant qu'en Allemagne, les tribunaux prononcent dans une grande majorité des peines de prison fermes lorsque le préjudice dépasse le million d'euros. Une menace pour Uli Hoeness, d'autant plus que le juge chargé de l'affaire, Rupert Heindl, possède une réputation de magistrat intraitable.
L'affaire remonte à 2001, lorsque Robert Louis-Dreyfus, propriétaire d'Adidas et de l'Olympique de Marseille, lui concède un "prêt" de 10 millions d'euros placés sur un compte en Suisse, pour, dit-il, "jouer en Bourse" : "Par moments, je boursicotais jour et nuit. C'étaient des sommes qui me paraissent folles aujourd'hui." Cependant, le milliardaire allemand n'a jamais déclaré ses gains et a progressivement mis fin à ses activités après avoir énormément perdu entre 2007 et 2008.
Il espérait régler sa situation à moindres frais grâce à un accord fiscal signé entre l'Allemagne et la Suisse, accord qui n'a jamais été ratifié. En 2013, il lançait une procédure d'auto-dénonciation pour se mettre en règle avec le fisc, alors que la presse s'apprêtait à livrer le nom d'un dirigeant d'un grand club de foot qui fraudait.
Une fois de plus, Uli Hoeness s'était vu opposer une fin de non-recevoir, le tribunal estimant qu'il avait lancé cette procédure car son nom était sur le point de sortir dans les médias. Résultat : une enquête avait été lancée, son immense demeure située sur le bord d'un lac de Bavière avait été perquisitionnée le 20 mars 2013 et il avait dû verser une caution de 5 millions d'euros pour éviter la détention préventive.
Ces révélations avaient suscité une tempête médiatique à l'époque, poussant même la chancelière allemande Angela Merkel à lâcher qu'elle était "déçue" par son comportement. Outre sa peine de prison ferme, Uli Hoeness pourrait bien se voir retirer la présidence du Bayern Munich, club dont il était devenu le manager en 1979. Il en avait pris la tête trente ans plus tard après avoir été sacré champion du monde en 1974 avec la sélection allemande.