Parler de rivalité entre le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert et le Saint Laurent de Bertrand Bonello est un doux euphémisme. Derrière la rivalité qui oppose ces deux biopics de styles très différents se cache en coulisses un véritable règlement de comptes. Un duel qui semble arriver à son acte final avec la sortie libératrice du long métrage de l'esthète Bertrand Bonello, neuf mois après le premier film emmené par le jeune et mimétique Pierre Niney.
Dans les médias, Bertrand Bonello ne se cache plus. Libéré depuis Cannes, où le film, présenté en compétition, avait reçu un accueil critique chaleureux, le réalisateur niçois ne manque pas de mettre les points sur les "i" à propos de cette rivalité qui l'oppose au projet de Jalil Lespert, et notamment au fait que Pierre Bergé ait donné sa bénédiction à Yves Saint Laurent plutôt qu'à son Saint Laurent. "Je trouve dommage que Pierre Bergé se soit braqué contre notre projet et n'ait pas accepté qu'il y ait plusieurs points de vue sur un tel personnage", avoue le cinéaste à Télérama. Il précise d'ailleurs chez Nice-Matin : "Ce n'est pas un film à charge contre Yves Saint Laurent."
La rivalité avec Yves Saint Laurent, Bonello dit l'avoir mal vécue, lui qui désirait à tout prix la liberté de création. "Nous étions déjà très avancés dans notre projet quand les producteurs de Jalil Lespert ont lancé le leur, mais j'ai vite compris qu'ils cherchaient à nous prendre de vitesse. Ils avaient une stratégie très offensive. Les acteurs que je choisissais se retrouvaient, parfois, avec une offre concurrente et quelques jours pour se décider", se souvient même le metteur en scène. "Franchement, on pensait finir les premiers, mais ils ont accéléré, voire bâclé" le scénario, dénonce Bertrand Bonello dans Nice-Matin. "J'ai quand même souffert par moments, pensant parfois qu'on allait me dire stop", raconte-t-il encore dans Télérama.
Même bisbille pour les interprètes d'Yves Saint Laurent lui-même. Après l'avoir "trouvé jeune pour le rôle", Bonello avoue avoir "eu un peu peur de l'enthousiasme suscité par l'interprétation de Pierre Niney", alors que ce dernier "a dû travailler dans l'urgence" contrairement à Gaspard Ulliel. Il précise dans Télérama : "J'avais peur que Gaspard en pâtisse. Tous les jours, je l'avais sous les yeux, je le trouvais génial et je craignais que son travail ne soit pas reconnu à sa juste valeur. L'accueil cannois a balayé ces doutes. "
"Ce sont des problèmes qui appartiennent au passé", tempère-t-il dans Les Inrockuptibles. "Il y a eu un malentendu, qui s'est envenimé puis s'est apaisé. Au final, les deux films se font et prennent leur place", précisant qu'il n'avait pas vu le Lespert mais avait eu vent de la complémentarité des deux oeuvres. Aujourd'hui, c'est bien Saint Laurent, le film de Bonello, qui représentera la France aux Oscars 2015. Et cela sans l'aval de Pierre Bergé...