Il n'est pas démonstratif, Billy Ketkeophomphone. Mais s'il marque contre le PSG ce samedi, vous le verrez immanquablement lever vers le ciel le bras droit, celui au bout duquel, tatoué sur la main, figure le prénom Ella. "C'est pour elle..." Elle, Ella, c'est la petite fille que Billy a perdue à 14 jours, victime d'un problème au cerveau, à l'été 2013. Et tandis que sa soeur jumelle lui survit, fragile, son papa n'oublie pas, portant le deuil de toute une vie et le poids de son devoir.
Révélation avec le SCO d'Angers, invité surprise des premières places de la Ligue 1, le footballeur de 25 ans, né en région parisienne (Champigny-sur-Marne) de parents laotiens (et doté du deuxième nom le plus long du championnat de France !), s'est livré sans fard mais avec délicatesse sur ce drame très intime, qu'il a surmonté "tout seul". A la faveur du choc entre le promu angevin et le Paris Saint-Germain, ogre qu'il vient affronter ce samedi 23 janvier dans son antre du Parc des Princes, les quotidiens Le Parisien et L'Equipe sont tous deux allés à la rencontre de ce jeune homme au calme olympien et à la force de caractère admirable, solidement érigés sur le socle de sa culture bouddhiste. "Moi, il faut venir me chercher pour que je parle, pour savoir qui je suis", dit-il. Et de fait, le milieu offensif découvert au RC Strasbourg et passé par le FC Sion (une mésaventure, car le club suisse était interdit de recrutement) et le FC Tours leur a raconté sans ambages son histoire personnelle, qui se lit sur les tatouages qui jalonnent son corps.
Mon deuil a été un peu long, mais je devais être là pour Rose
"Je sais pourquoi je me bats maintenant, cela m'a renforcé", assure doucement au Parisien "Ketkeo", protégé de l'ex-joueur du PSG Pierre Ducrocq (compagnon de Tristane Banon et jeune papa). Il y a eu un avant et un après la paternité, qui a été pour lui à la fois une bénédiction et une malédiction. A l'été 2013, sa compagne de l'époque met au monde des jumelles, Ella et Rose. Ella, victime d'un problème au cerveau, décède à 14 jours. Après ce grand malheur, il se fera tatouer les prénoms de ses deux filles sur les mains, et le E d'Ella auréolé et doté d'ailes d'ange sur le bras. "J'ai puisé ma force dans Rose, ma fille restée en vie, poursuit-il dans son entretien avec Christine Thomas pour L'Equipe. Pour elle, je n'avais pas le choix, je devais me relever, me battre, continuer. C'est ma fille qui m'a sauvé." Car Rose, qui, à 2 ans passés, ne marche pas encore ni ne parle, a besoin de lui autant qu'il a besoin d'elle. "Mon deuil a été un peu long, mais je ne l'ai pas vraiment subi, car je devais être là pour Rose. Je devais prendre soin d'elle (...) Aujourd'hui, je me bats pour Ella, qui est partie, et pour Rose. Je me bats pour les deux", revendique Billy Ketkeophomphone avec détermination.
Je ne dois rien cacher
Décidé et mentalement éduqué à "prendre les choses comme elles viennent" et "profiter de chaque instant", sous l'égide des trois singes de la sagesse que représente son "premier tatouage important", le jeune talent du ballon rond, petit-fils de moine bouddhiste, parvient malgré son vécu à se soustraire à la tristesse, sauf à un sujet : "[Le] fait de ne pas voir assez souvent ma fille." Et pour cause : "Je ne l'ai qu'une semaine par mois car je suis séparé de sa mère. Quand elle repart, je suis vraiment au fond du trou. Mais c'est comme ça", explique-t-il dans L'Equipe, avec une rare pointe de fatalisme.
"Plus tard, anticipe-t-il auprès de l'envoyé spécial du Parisien, Christophe Bérard, je dirai tout à ma fille, quand elle sera en âge de comprendre. Cela fait partie de sa vie. Sa soeur sera toujours là pour elle et pour moi, même si on ne la voit pas. Au début, je ne parlais pas de cette histoire. Libérer la parole m'aide aussi à faire mon deuil. Pour mes deux filles, je ne dois rien cacher."
Retrouvez en intégralité le témoignage émouvant de Billy Ketkeophomphone dans les quotidiens Le Parisien et L'Equipe du 23 janvier 2016 ainsi que sur le site leparisien.fr et sur le site lequipe.fr.