Sa silhouette qui s'avance, déterminée et sublime, dans la publicité pour le parfum J'adore de Dior représente l'image de femme idéale, quasi-déesse par son côté inaccessible voire irréel. Charlize Theron, ancien top model, véhicule cette aura, mais elle a su montrer par son talent qu'elle n'était pas qu'un physique hors du commun. Evidemment, on songe à Monster, dans lequel la comédienne originaire d'Afrique du Sud incarne une tueuse en série et pour lequel elle a décroché un Oscar. Transformée et enlaidie, elle faisait oublier le mannequin qu'elle avait été.
Néanmoins, son implication pour un rôle n'est pas qu'un masque que l'on retire une fois la caméra éteinte, pour retrouver une allure magique. Charlize s'est mise à nu pour les besoins de la comédie dramatique de Jason Reitman (Juno, In the Air), Young Adult. Pour jouer Mavis, une femme qui retourne dans sa ville natale pour reconquérir son amoureux du lycée, elle se montre sans artifice devant le spectateur. Sa peau, ses cheveux, son corps : elle ne cache rien, offrant une performance d'actrice d'une justesse troublante.
Les comédiennes qui osent se montrer ainsi, telles qu'elles sont, dans un long métrage ne sont pas légion, tant est grand l'abandon que demande une prestation de genre et tant il révèle les failles de celles qui évoluent d'habitude loin du commun des mortels. Voici un petit tour de revue de ces femmes qui n'ont pas eu peur de mettre de côté le glamour du showbusiness pour s'oublier et se perdre dans les tourments de leur rôle.
L'obsession pour la beauté des cheveux entraîne de nombreuses vedettes à porter des rajouts et autres extensions pour atteindre un volume digne des divas hollywoodiennes. Cependant, quelques comédiennes ont osé raser leur masse capillaire pour que seuls demeurent les traits de leur visage : Sigourney Weaver dans Alien 3, Demi Moore dans A armes égales et Natalie Portman dans V pour Vendetta ont osé relever le défi pour être les plus crédibles possibles, évitant le latex que certaines actrices mettent sur leur crâne pour simuler une boule à zéro (Cameron Diaz dans Ma vie pour la tienne, par exemple).
L'affiche du Bal des actrices expose ses comédiennes totalement nues. Elles le sont au sens propre sur le poster, et dans le film de Maïwenn, elles partagent leurs névroses avec le spectateur, sans que ce dernier sache vraiment si elles jouent ou si elles expriment un malaise bien réel.
Etre observée sous toutes les coutures ne fait pas peur à Juliette Binoche. Elle sait aussi très bien faire oublier son statut d'égérie beauté (pour Lancôme et le parfum Poème). Un long plan sur son visage permet d'explorer son âme dans Copie conforme. Se dévoiler est un sport pour la comédienne qui avait déjà poussé bien loin ses limites dans Les Amants du Pont-Neuf.
Que dire alors d'Isabelle Adjani et sa Possession orchestrée par Andrzej Zulwaski, qui lui vaudra un César ? Sa crise de démence dans le métro est insupportable. Le réalisateur est sans pitié avec ses comédiennes puisqu'il n'avait pas non plus épargné Romy Schneider, également auréolée d'un César et dont le visage couvert de larmes et barbouillé de maquillage dans L'Important c'est d'aimer hante encore les mémoires.
Dans la catégorie "repousser ses limites", Charlotte Gainsbourg mérite elle aussi une très bonne note puisqu'elle accepte les directives du cinéaste Lars von Trier pour Antichrist : scènes de sexe, de masturbation et de mutilation. Un rôle traumatisant qui ne l'empêchera pourtant pas de remettre ça avec le réalisateur danois dans Melancholia.
Actrice débutante, Yahima Torres a elle aussi accepté de provoquer le malaise en incarnant la Vénus noire d'Abdellatif Kechiche. Exposée aux yeux de tous, son intimité est auscultée dans les moindres détails, pointant du doigt la cruauté humaine. Etrange qu'elle n'ait pas été choisie pour le César du meilleur espoir en 2011 (c'est Leïla Bekhti pour Tout ce qui brille qui l'obtiendra).
Moins crues, les performances d'actrices américaines ne sont pas moins justes pour autant. Julianne Moore s'affiche entièrement nue dans Short Cuts, une scène qui, dans un film américain, demeure fort rare aujourd'hui encore. Image de la femme mûre type qui prend soin d'elle et vit comme une jeunette de 25 ans dans Sex and the City, Kim Cattrall change radicalement de style pour Meet Monica Velours, jouant une actrice de films érotiques célèbre dans les années 80. Quant à Meg Ryan, elle a assuré un changement de cap brutal après s'être fait une réputation de reine de la comédie romantique en choisissant le premier rôle de In the Cut, long métrage de Jane Campion.
Samya Yakoubaly