Sept ans après l'éclatement en place publique du scandale Noos, affaire dans laquelle l'infante Cristina d'Espagne et son mari Iñaki Urdangarin ont été mis en examen, la justice a rendu son verdict : si la soeur cadette de Felipe VI, soupçonnée de fraude fiscale, obtient la relaxe (elle doit toutefois régler une ardoise de 265 088 euros), le beau-frère du souverain, mis en cause dans le détournement de près de 6 millions d'euros de subventions, écope d'une lourde condamnation à six ans et trois mois de prison, assortie d'une amende de 512 553 euros, pour détournement de fonds, malversation, fraude fiscale, trafic d'influence, escroquerie et blanchiment d'argent. Le parquet anti-corruption avait requis dix-neuf ans et six mois de réclusion à son encontre dans ce procès instruit à Palma de Majorque qui a éclaboussé de manière inédite la famille royale espagnole. Iñaki devrait se trouver très bientôt derrière les barreaux, le procureur Pedro Horrach ayant notifié aux journalistes que ce verdict était "à effet immédiat".
Les prémices de l'affaire remontent à 2006, lorsqu'un député socialiste avait demandé des comptes concernant le coût exorbitant lié à l'organisation d'un grand congrès international du tourisme et du sport dans la capitale des îles Baléares – le gouvernement régional avait payé 1,2 million d'euros pour cet événement de trois jours aux retombées toutes relatives. Le projet avait à l'époque été confié à une structure spécialement créée et à but non lucratif, l'Institut Noos, placée sous la présidence d'Iñaki Urdangarin, ancienne gloire du handball espagnol et époux de l'infante Cristina, avec qui il a eu quatre enfants (Juan Valentin, Pablo Nicolas, Miguel et Irene). En 2010, deux ans après la démission de celui-ci de la présidence de l'Institut Noos et son déménagement aux États-Unis, le juge majorquin José Castro avait en sa possession suffisamment d'éléments pour ouvrir une information judiciaire : un an plus tard, le scandale éclatait dans les médias et les investigations mettaient à jour l'implication présumée du gendre du roi Juan Carlos Ier et de son associé de l'époque, Diego Perez, soupçonnés entre autres d'avoir détourné près de 6 millions d'euros d'argent public, par le biais notamment de fausses factures.
En 2011, la famille de Cristina d'Espagne rentrait de Washington, Iñaki Urdangarin abandonnant son poste chez Telefonica pour se préparer à affronter la justice... et l'opprobre : en quelques semaines, l'ancien gendre idéal est devenu un paria, cloué au pilori, exclu des activités de la famille royale et désavoué publiquement en décembre de cette année-là par le roi Juan Carlos Ier, dont la fin de règne a été plombée par l'affaire. Quelques semaines plus tard, son gendre comparaissait pour la première fois devant le juge José Castro. Associée avec son mari dans Aizoon, une société-écran par laquelle ont transité les sommes détournées, l'infante Cristina était à son tour mise en examen en 2013, année où sa famille s'exila pour s'établir à Genève en Suisse, et entendue en 2014, après une joute juridique la concernant. En juin 2015, son frère le roi Felipe, monté sur le trône un an plus tôt, la destituait de son titre de duchesse de Palma.
Le procès des dix-neuf prévenus de l'affaire Noos s'est déroulé entre janvier et juin 2016. Chargés par certains de leurs anciens collaborateurs, Cristina et Iñaki s'en tenaient à la ligne de défense suivie jusqu'alors, l'infante se retranchant derrière sa confiance aveugle en son époux et celui-ci ayant une mémoire très sélective s'agissant des faits reprochés.
Au moment de la publication du verdict du tribunal majorquin, le roi Felipe VI et la reine Letizia étaient en visite au Musée Thyssen-Bornemisza. Le palais de la Zarzuela, leur résidence officielle, a témoigné en réaction de son "respect absolu de l'indépendance du pouvoir judiciaire".
Alors qu'Iñaki doit être incarcéré, l'avenir de Cristina et de leurs quatre enfants est en suspens. A noter que Diego Torres, le principal autre prévenu, a écopé de 8 ans et 6 mois de réclusion assortis de huit années d'interdiction d'exercer et d'une amende de plus d'1,7 million d'euros.
GJ