Niels Arestrup a incarné des personnages puissants et souvent tourmentés avec une force qui a dépassé l'écran ou la scène de théâtre. C'est en tout cas le sentiment qui plane en observant sa riche carrière depuis l'annonce de sa disparition à 75 ans ce 1er décembre 2024. L'acteur césarisé à trois reprises - pour De battre mon coeur s'est arrêté, Un prophète et Quai d'Orsay - est salué pour ses prestations immenses mais rapidement, d'autres voix se sont élevées pour dépeindre une autre facette de l'artiste, celle d'un homme violent.
Interrogé en 2017 sur les nommés pour le César du meilleur second rôle masculin, l'acteur Clovis Cornillac n'avait pas hésité à exprimer son mépris à l'égard de Niels Arestrup. "Je déteste cet homme. C'est un des rares. Il sait pourquoi et il n'y a pas de souci là-dessus", avait-il déclaré sur les ondes d'Europe 1. Malgré son aversion personnelle, Il reconnaissait tout de même le talent de son confrère, qualifiant Niels Arestrup de "grand acteur". Le comédien qui a cartonné dans Un p'tit truc en plus sait à quel point sa mère, la comédienne Myriam Boyer, a souffert avec Niels Arestrup lors de leur collaboration en 1997 pour la pièce Qui a peur de Virginia Woolf ? Mais ce n'était manifestement pas un acte isolé.
Niels Arestrup a été loin avec Miou-Miou sur le tournage de La Dérobade en 1979, sous la direction de Daniel Duval. L'INA a retrouvé les archives qui rappellent le comportement violent de l'acteur avec ses partenaires féminines et l'actrice Miou-Miou l'avait accusé de l'avoir giflée avec force. En interview à l'époque, elle avait déclaré : "Quand j'ai reçu comme ça une gifle très très violente, eh bien quand il a fallu faire la deuxième prise, j'avais du mal à jouer avant, parce que je savais que j'allais recevoir cette gifle, très violente, et que ça allait faire encore très mal. Je me disais 'mais quand même, il faut être maso…" L'INA rappelle que Niels Arestrup reconnaîtra bien des années plus tard dans une interview donnée à Libération avoir crevé le tympan de la comédienne.
Celle qui a brillé dans Je verrai toujours vos visages n'a pas été la seule victime de Niels Arestrup sur le tournage puisque Maria Schneider, révélation du Dernier Tango à Paris, a elle aussi subi les coups du comédien sur La Dérobade : il lui a cassé le coccyx le même jour que celui de la gifle reçue par Miou-Miou...
Deux actrices qui s'ajoutent donc à la liste composée des noms de Myriam Boyer mais aussi d'Isabelle Adjani. Cette dernière avait été interrogée par Le Parisien après l'annonce de son décès, expliquant en toute honnêteté reconnaître le talent de l'acteur mais n'avoir rien de positif à dire de lui.
Pourtant, d'autres voix se sont élevées pour honorer la grandeur d'âme de Niels Arestrup. Notamment les deux acteurs Tahar Rahim et Emilie Dequenne qui ont joué avec lui dans le poignant A perdre la raison. Ils étaient particulièrement touchés par sa disparition et l'acteur, que l'on vient de voir en Charles Aznavour, avait d'ailleurs dit par le passé à son propos dans les pages du magazine ELLE : "Depuis Un prophète, Niels est devenu un ami." Sur Instagram, ils ont partagé une tristesse qui tranche avec le souvenir d'autres actrices.
Niels Arestrup, un homme aux deux visages ou en tout cas qui a semblé vouloir se défaire en vieillissant de cette image d'homme violent. Devenu père sur le tard à 63 ans de jumeaux avec la scénariste et autrice Isabelle Le Nouvel, il n'a cessé depuis ces dernières années de changer cette étiquette de partenaire violent qui lui collait à la peau, tout en continuant à travailler et obtenir les plus grands rôles. A l'ère #MeToo, le comportement et le passif de Niels Arestrup ne sont toutefois plus oubliés, la parole s'est libérée et elle est désormais entendue même si elle ne fait pas l'unanimité.