Dans la soirée du 13 novembre 2015, à Saint-Denis et à Paris, plusieurs terroristes s'en prennent à la population, au hasard. Aux abords du Stade de France, aux terrasses de cafés populaires et dans la salle du Bataclan, où le bilan est le plus lourd : 89 morts. Ce soir-là, un groupe américain de rock est sur scène. Paris Match est allé à la rencontre du chanteur et du bassiste d'Eagles of Death Metal, qui disent tout simplement être "revenus de l'enfer".
Jesse Hughes et Eden Galindo ont pu s'enfuir, disons rapidement, du Bataclan. D'autres membres du groupe sont restés cloitrés dans les toilettes ou dans une petite salle, en backstage : c'est le cas de Dave et de Matt, qui ont dû traverser la salle et ont vu tous les corps. Nick Alexander, qui s'occupait du merchandising du groupe, y a laissé la vie.
Des détails étranges leurs reviennent rétrospectivement : "Comme ces voitures garées tout l'après-midi devant la salle. Nous étions plusieurs à nous demander ce qu'elles foutaient là. Et je trouvais aussi qu'il n'y avait pas assez de vigiles dans la salle, lâche d'emblée Jesse Hughes, tout en restant prudent. Je ne veux pas tirer de conclusion hâtive, l'enquête est toujours en cours."
Je trouvais aussi qu'il n'y avait pas assez de vigiles dans la salle
Il est 21h10 quand le groupe monte sur scène, devant 1 500 personnes. "Dès les premières secondes, j'ai senti un véritable amour de la part du public, raconte le chanteur Jesse Hughes. J'ai demandé à ce qu'on rallume les lumières pour que je puisse les voir, dans les yeux. Je n'oublierai jamais. Jamais." Le rockeur fond en larmes. Selon notre confrère de Paris Match, cela se produira à plusieurs reprises durant l'interview. À la huitième chanson, les coups de feu retentissent. Fervent républicain, favorable au port d'arme, le chanteur comprend immédiatement. Il a l'habitude des coups de feu. Ce n'est pas le cas du public, qui reste incrédule de trop longues minutes. Dans la panique, le chanteur cherche sa petite amie, Tuesday. Elle n'est plus dans les loges. Avec Eden, ils montent au deuxième étage et tombent nez à nez avec l'un des tireurs, qui recharge son arme. Ils croient leur dernière heure arrivée, mais le tireur est occupé à tirer sur le public depuis le balcon : il ne s'intéresse donc pas à eux. Ils prennent la sortie des artistes et retrouvent Tuesday, cachée entre deux voitures.
Un fan reconnaît les deux membres du groupe et les met dans un taxi pour les conduire au commissariat le plus proche. Ils seront ensuite transférés aux 36 quai des Orfèvres, auquel ils rendent hommage dans les pages de Paris Match. Les autres membres des Eagles of Death Metal les rejoignent et ils apprennent la mort de Nick. À 7h du matin, ils quittent les lieux pour un hôtel où le FBI prend le relais. Ils ne souhaitaient pas rentrer si vite aux États-Unis, le groupe voulait rester à Paris auprès des victimes. "Le samedi après-midi, la police nous a amenés au Bataclan pour que nous puissions récupérer nos affaires. Nous ne sommes pas rentrés dans la salle, mais nous avons pu voir le carnage de l'extérieur", raconte le chanteur. Et de marquer une pause : "Les corps sous les linceuls blancs, c'était terrible..."
Les Eagles veulent revenir le dimanche pour se recueillir, mais on leur interdit pour des raisons de sécurité. Le FBI gère en partie leur retour et leur apprend qu'ils prendront le premier avion, le lundi matin, pour New York. "Une fois à New York, nous avons pris un jet pour Los Angeles. L'avion s'est garé dans un hangar, portes fermées, raconte Eden Galindo. Toutes nos familles étaient là. Soulagées."
Le groupe se mobilise désormais pour les familles des victimes, en encourageant les musiciens du monde entier à reprendre leur titre I Love You all the Time. Tous les profits seront reversés aux familles. Eagles of Death Metal l'avait déjà dit dans une interview à Vice : le groupe compte bien revenir en France : "Nous avons un concert à finir à Paris."
Paris Match, en kiosque le 3 décembre 2015.