À l'aube de ses 50 ans, aînée de la fratrie princière mais pas héritière, divorcée mais pas amère, mère et sensée, l'infante Elena d'Espagne dégage une forme de sérénité à toute épreuve. Dans une interview bilan accordée, avant de basculer le 20 décembre 2013 dans une nouvelle décade, à l'agence de presse espagnole Efe, la fille du roi Juan Carlos Ier et de la reine Sofia scrute posément tous les compartiments de sa vie pour livrer de rares confidences.
Ébranlée début 2012 par l'affaire de corruption qui a causé la disgrâce de son beau-frère Iñaki Urdangarin et menace désormais sa soeur cadette l'infante Cristina, Elena d'Espagne refusera toutefois d'aborder ce sujet et celui d'une éventuelle abdication de son père, déclinant physiquement et desservi par les scandales, tout comme celui d'une réforme constitutionnelle pour abroger la primogéniture masculine. Mais, outre les thèmes incontournables, tels que la crise qui affecte durement son pays, elle acceptera sans ambages de parler de sa vie privée, de ses enfants Felipe (15 ans) et Victoria (13 ans), de son divorce d'avec leur père Jaime de Marichalar...
C'est en premier lieu sous son profil de patriote et de servitrice de la couronne qu'Elena d'Espagne, qui oeuvre depuis cinq ans à la tête des activités sociales et culturelles de la fondation Mapfre, se décrit. "Heureuse du travail" qu'elle fournit avec la famille royale depuis le plus jeune âge et de vivre "des situations exceptionnelles tant à titre institutionnel qu'à titre personnel", elle l'affirme : "Je suis toujours déterminée à représenter l'Espagne et le roi, toujours. Je n'y ai jamais vu le moindre inconvénient." "Satisfaite" et "reconnaissante" envers la vie qu'elle mène, consciente d'être dans une position privilégiée, elle en profite pour remercier tous ceux qui au fil des ans lui ont permis de devenir celle qu'elle est, et notamment ses parents pour leur soutien et l'éducation qu'ils lui ont inculquée.
De son père le roi Juan Carlos Ier, accablé depuis deux ans par les accidents de santé et les accidents d'opinion, l'infante souligne la "culture de l'effort", le "désir de servir" qui lui donne l'énergie de se surpasser et de surpasser les obstacles. De sa mère la reine Silvia, elle dit avec extase qu'elle a la chance d'avoir pour mère "une Dame, en lettres majuscules, tant en tant que mère qu'en tant que femme", et qu'elle est "un exemple quotidien de savoir-faire et de manière d'être". Glissant au passage qu'elle est aussi proches aujourd'hui de ses huit petits-enfants qu'elle a pu l'être de ses trois enfants par le passé.
"Parmi les moments les plus durs, mon divorce"
Évoquant ensuite le courage que son pays doit observer en ces temps troublés, qu'on parle de crise économique ou de crise des institutions (et même de la monarchie), ainsi que son rôle de présidente d'honneur dévouée du Comité paralympique espagnol depuis 1995, insistant sur le temps passé avec les athlètes et leur famille qui permet de "mieux comprendre leurs problèmes, d'aider à les résoudre et de devenir une meilleure personne", Elena d'Espagne rentre ensuite dans le vif du sujet : à quelques jours de ses 50 ans, quels sont les moments les plus marquants de sa vie ?
Au rayon des plus beaux souvenirs, elle classe celui de l'intronisation de son père, en 1975. Elle avait alors 12 ans. Viennent ensuite toutes ces années de vie de famille, au palais comme en déplacement ; celles vécues à l'école avec ses camarades ; l'obtention de ses diplôme universitaires. Et enfin, son mariage et la naissance de ses deux enfants. Son union avec Jaime de Marichalar, célébrée en 1995 en Séville et dissoute par un divorce prononcé en décembre 2009 deux ans après l'annonce de leur séparation, se retrouve également dans le chapitre des épisodes les plus douloureux de l'infante Elena : "Parmi les plus difficiles figure ma décision de rompre d'abord, puis de divorcer", avoue-t-elle après avoir évoqué d'autres traumatismes, comme le décès de ses grands-parents ou la souffrance des victimes du terrorisme ou des catastrophes.
"Je vois mes enfants Felipe et Victoria comme des enfants en phase avec leur génération"
Rebondissant sur le fait que "la naissance de [s]es enfants a été un grand moment", l'intervieweur demande à Elena d'Espagne quel futur elle envisage pour eux. Témoin d'une société mondiale en pleine mutation, l'intéressée, qui espère que l'Espagne ne vivra pas une "fuite des cerveaux" de sa jeune génération, prédit un grand avenir à son pays. Et met en avant les vertus d'une bonne éducation : "Les parents doivent s'efforcer de les élever et de les former tout en leur laissant la liberté de se créer leurs propres opportunités et de construire leur vie. L'éducation que j'essaye d'inculquer à mes enfants n'est pas différente de cela et de celle que je voudrais qu'ils aient eue si je n'avais pas divorcé. Les différentes nuances que peuvent apporter un père ou une mère, par nature, peuvent aussi exister sans forcément vivre sous le même toit. Je ne crois pas qu'on puisse devenir un 'ex-père' ou une 'ex-mère', et chacun veut le meilleur pour ses enfants (...) pour les aider à trouver leur voie et à devenir de bonnes personnes."
Concernant ses enfants Felipe et Victoria, à qui on a inculqué ce que c'est que "d'être espagnol et au service de l'Espagne", elle dit encore : "Je les vois comme des enfants en phase avec leur génération. Ils travaillent dur à l'école, essayent de développer leur personnalité et testent leurs propres limites, dans le cadre que nous avons fixé, leur père et moi. Je regarde vers l'avenir avec optimisme. Je pense que mes enfants feront partie d'un pays capable de surmonter tous les obstacles, avec une jeunesse bien préparée. J'espère que Felipe et Victoria en feront partie, et en profiteront comme j'en ai profité. (...) J'espère voir mes enfants devenir heureux et responsables."