Actrice mais aussi chanteuse, Emmanuelle Seigner s'est fait remarquer dans le monde artistique avec ses interprétations souvent fiévreuses comme dans Lune de Fiel et avec son album Les Ultra Orange & Emmanuelle. Le 8 février sort son nouveau disque Dingue, dont le premier single éponyme a été dévoilé, Emmanuelle entame donc la promotion de son "bébé" dont elle avait repoussé la sortie en raison des circonstances.
Toutefois, les dernières actualités de l'artiste ne portaient pas sur son travail mais sur sa vie privée. Quand son mari, Roman Polanski, a été arrêté en septembre 2009 à Zurich suite à une affaire de moeurs - des relations sexuelles illégales avec une mineure - survenue en 1977, Emmanuelle Seigner a vu sa vie bouleversée. Face aux événements, elle a choisi de ne pas parler et d'affronter ce scandale dans la plus grande discrétion. Celle qui s'était battue pour ne pas être simplement "la femme de" se retrouve alors rattrapée violemment. Elle s'explique désormais sans aucun tabou. Trois mois après les événements, Emmanuelle s'affiche en couverture du magazine Elle en kiosque le 22 janvier et brise le silence. Extraits.
La fin d'un silence...
"Je ne peux pas rester éternellement silencieuse et cloîtrée. La vie continue. [...] Je n'avais aucune envie de m'exposer et j'aurais trouvé obscène de le faire durant toute sa détention. [...] Ce serait irréel, étrange de faire comme si ça n'existait pas. Je préfère donc en parler une bonne fois pour toutes et ensuite passer à autre chose. "
Malgré la situation, Roman Polanski veut que ses proches continuent leurs projets : "Lui-même, quelques jours avant sa libération sous caution, m'avait dit : 'Lance ton album, fais-le, il n'y a aucune raison que tu t'empêches de travailler'."
Sa libération a modifié la donne : "Et puis, heureusement, il est sorti. Ça a été un soulagement et une libération pour lui comme pour moi." [Roman Polanski est désormais assigné à résidence dans leur chalet à Gstaad en Suisse.]
Une épreuve qu'elle a affrontée avec le soutien de ses proches
Dès que le scandale a éclaté, Emmanuelle s'est trouvée sous les feux des projecteurs : "L'image qu'il m'en reste, c'est l'impression d'être tombée dans un puits, comme Alice dans Alice au pays des merveilles. J'ai eu la sensation que la chute était lente et régulière. Que, chaque jour, je descendais un peu plus bas. Et surtout, que cette longue chute ne s'arrêterait jamais. [...] Cette histoire, qui est la première grande épreuve que j'aie traversée, la vie ayant été plutôt clémente avec moi jusque-là, je me suis découvert un certain courage."
"Je me suis sentie très seule mais j'ai la chance, contrairement à beaucoup de gens de ce métier, d'être très entourée par ma famille, mes parents, mes soeurs... Ce sont eux qui ont été mon soutien, qui m'ont aidée à tenir. [...] Mes parents, mes soeurs et des amis proches venaient et nous apportaient à manger. C'était une expérience étrange, pas désagréable non plus, comme si nous étions dans un cocon." On se souvient que Mathilde Seigner n'a pas manqué de montrer son soutien.
Travailler... sous la pression
Avant que la polémique n'alimente l'actualié, Emmanuelle était professionnellement très affairée. : "La télé, une chaîne passait un bout de mon clip et l'animateur a eu cette remarque : " Elle danse pendant que son mari est en prison". Mon métier, c'est chanter et jouer la comédie. Il faudrait que j'arrête tout ? Pour certains, quoi qu'on fasse, c'est mal. [...] J'adore chanter. Chez moi, ce n'est pas un caprice, au contraire, c'est une vraie passion. Etre sur scène est l'expérience artistique que j'ai le plus aimée dans ma vie."
Sur l'album, il y a un duo avec Roman Polanski, l'idée de le retirer lui a-t-elle traversé l'esprit ? "On m'a conseillé de l'enlever au moment de l'affaire, mais je n'ai pas voulu. Cela aurait été comme avouer une faute ou un malaise, qui n'ont pas de raison d'être."
Le cinéma et Emmanuelle continuent aussi leur idylle avec Chicas, le premier
film écrit et réalisé par Yasmina Reza.
Des rumeurs disent que Carla Bruni-Sarkozy aurait proposé de lui écrire des chansons pour son prochain album : "En tout cas, si elle me le proposait, je dirais oui sans hésiter. C'est quelqu'un que je connais depuis longtemps, dont j'adore la voix et qui réussit tout ce qu'elle entreprend. Et puis j'aime travailler avec des femmes. Elles ont moins ce rapport de domination que peuvent avoir les hommes sur vous."
Une épreuve pour elle, mais aussi pour les enfants
Etre dans l'impossibilité de voir son mari était un véritable cauchemar pour l'artiste : "De savoir mon mari en prison. C'était horrible. Et les visites au parloir étaient vraiment pénibles. Pour les enfants aussi, qui y sont allés deux fois. Je leur avais interdit de pleurer, je voulais qu'ils soient dignes. [...] Je suis persuadée que cette histoire, au final, pour moi et pour les enfants, nous a aidés à être plus forts. Dans nos métiers, on est très gâtés, on mène des vies agréables, on est privilégiés, nos enfants aussi. J'ai tout d'un coup pris conscience que la vie peut basculer du jour au lendemain."
Pour gérer cette situation, en tant que mère, elle n'a pas hésité : "J'ai arrêté toute activité professionnelle et je n'ai songé qu'à les protéger. Nous sommes tous allés voir une psychologue pour qu'elle nous donne la possibilité de parler et ça nous a fait beaucoup de bien. J'ai aussi essayé de communiquer au maximum avec eux et de répondre à toutes les questions qu'ils pouvaient se poser. [...] Ma fille [Morgane], qui vient d'avoir 17 ans, a très bien compris. Pour mon fils [Elvis], qui a 11 ans et demi, c'était plus compliqué."
Son opinion face aux actes de son mari
"Ma position est très difficile et je comprends parfaitement que cette histoire ait choqué. Moi, elle ne me choque pas parce que je connais l'homme, le dossier et les dessous de cette affaire. Ça n'est pas l'homme que j'ai rencontré, dont je suis tombée amoureuse, que j'ai épousé. Il ne m'a jamais trompée, jamais fait souffrir depuis vingt-cinq ans que je le connais.
"Je ne suis pas une super libérale qui pense que tout est permis et que rien n'est grave. En tout cas, en tant que mère, je ne suis pas du tout comme ça. Donc, que des femmes, des mères de famille aient été choquées, je le comprends parfaitement. Je pense aussi qu'à l'époque les gens ne vivaient pas et ne réagissaient pas de la même manière.
"Mais mon mari ne s'est jamais cru au-dessus des lois. La preuve, c'est qu'il avait plaidé coupable d'avoir eu des relations sexuelles illégales avec une mineure, qu'il avait écopé d'une peine de détention et qu'il l'avait effectuée. La victime a retiré sa plainte depuis longtemps et elle a demandé à la justice américaine d'arrêter les poursuites.
"Je pense qu'il ne l'a pas réglée car il savait qu'on devrait en passer par ce qu'on a vécu et qu'il voulait nous épargner ça. Je suis sûre qu'il se sent mal par rapport à moi et aux enfants.
"Il a cette image sulfureuse [de leur couple], mais, en réalité, notre vie est complètement normale. On est ensemble depuis vingt-cinq ans, on a deux enfants, on n'a jamais eu d'histoire. Jusque-là, ma vie privée ne les avait jamais intéressés car il n'y avait rien de croustillant à y trouver."
Sortir de l'épreuve, plus forte
"Je connaissais cette histoire, je l'avais acceptée. Les épreuves peuvent souder les gens. Je pense que ce sera le cas pour notre couple. [...] Il y a eu tous les gens qui nous ont soutenus
publiquement, dont on connaît les noms, et que je ne citerai pas tous mais que je veux remercier du fond du coeur. Et les amies comme Yasmina Reza, Danièle Thompson, Nicole Garcia qui m'ont apporté du réconfort. Je me suis accrochée au soutien de ces gens merveilleux.
"Je suis sûre que cette affaire va s'arranger du côté américain. Je suis une femme optimiste et positive. J'ai sûrement perdu un peu de mon insouciance dans cette épreuve mais, dans le fond, je pense que je suis devenue une meilleure personne."
Pendant ce temps, les avocats américains de Roman Polanski font tout malgré le fait que le procureur adjoint de Los Angeles, David Walgren, refuse la possibilité que le cinéaste soit jugé par contumace, à savoir par défaut, en son absence. Ils seront fixés le 22 février.
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans l'édition du 22 janvier du magazine Elle