Farida Khelfa n'a pas toujours été la sublime mannequin au port altier, incarnation du glamour et de l'élégance française mariée à l'un des noms les plus prestigieux de l'hexagone, Henri Seydoux. Fut un temps où l'ancienne star des podiums jetait les stars des Bains Douches et passait ses nuits sur les planches du Palace...
"J'en ai viré tellement, des vedettes. Mais honnêtement, je ne me souviens plus", confie avec humour Farida Khelfa au JDD. "C'était une autre vie", ajoute-t-elle. Cette autre vie, la fille d'un veilleur de nuit de la gare Lyon-Perrache débarqué de son Algérie natale pour fuir la misère d'El-Asnam, détruit par un séisme, c'est dans deux établissements nocturnes mythiques de la capitale qu'elle l'a vécue.
Dans les années 1980, pour entrer aux Bains Douches, il fallait passer l'obstacle Farida Khelfa, physionomiste à seulement 20 ans de la plus courue des boites de nuit parisiennes. "A 20 ans, j'étais une fille très arrogante, explique-t-elle. Mais c'était l'arrogance des pauvres. Je ne connaissais rien. C'est pour cela qu'on m'a engagée aux Bains Douches." Elle le reconnaît volontiers, impossible pour elle de distinguer une célébrité d'un anonyme. Pour s'introduire dans le saint des saints de la nuit parisienne, "il fallait avoir le bon look, le bon style, la bonne attitude, sinon, t'étais mort". Et la jeune Farida Khelfa ne mâchait pas ses mots : "On me parlerait comme ça aujourd'hui, je ne sais pas comment je le prendrais."
Un regard différent sur moi
Pour en arriver là, il a fallu quitter le HLM des Minguettes, où elle vivait avec ses quatre soeurs et quatre frères. A 16 ans, elle rejoint deux de ses aînées à Paris. Le Palace, un autre lieu incontournable des soirées de la capitale, deviendra son antre dans les années 70. Durant cinq à six ans, elle est tous les soirs sur la piste de danse du Palace, "une scène de théâtre" pour la future star des podiums. Elle y côtoie Christian Louboutin et Eva Ionesco, avec qui elle passe des journées à déterminer ce qu'elle portera le soir. "Dès qu'on arrivait, on se mettait à danser. On occupait toute la piste. Un cercle se formait autour de nous. Il y avait des photographes. Danser, être sapée, je sentais un regard différent sur moi", poursuit-elle.
En 1989, vient la consécration. Son compagnon d'alors, l'artiste Jean-Paul Goude affuble ses danseurs de la cérémonie du bicentenaire de la Révolution d'un masque à l'effigie de Farida Khelfa. Une Farida qui défile déjà pour les plus grands, comme Jean-Paul Gaultier et Alaïa. Pour autant, pas question de rentrer dans le moule. "Je ne savais pas jouer la muse alanguie, souligne-t-elle. Je refusais ces regards sur moi. J'aurais eu l'impression d'être abusée, manipulée, de ne plus m'appartenir."
Peur du monde extérieur
Mais sans modèle référent, Farida Khelfa va improviser. Toujours. Le JDD écrit qu'elle se construit "sans repères", qu'elle "s'invente une vie". Pourtant, les mots l'accompagnent depuis le début de l'adolescence, lorsqu'un professeur remarqua cette intelligence vive et lui donna le goût de la lecture. "Je les ai toujours aimés, dit-elle. Avec mon frère Mahmoud, on en inventait sans cesse. On parlait en codé, en verlan. Les mots étaient mon refuge. Ils m'ont offert un imaginaire. J'avais trop peur du monde extérieur. La littérature m'a aidée à me construire, au même titre que les rencontres, l'amour et les enfants."
Sa plus belle rencontre avec les lettres, c'est bien évidemment au Palace qu'elle l'a faite. Il s'appelait Bob Marley : "Ca a été la première fois que j'ai eu un vrai choc. Tout m'a étonné chez lui, sa taille, son aura. C'est peut-être ça qui a disparu aujourd'hui. Avec les réseaux sociaux, tout le monde peut-être célèbre sur un mot. A l'époque, c'était toujours relié à un talent."
Faridha Khelfa, à retrouver dans un portrait dans le JDD du 2 août 2015