Pour Florence Cassez, c'était le recours de la dernière chance : la Cour Suprême du Mexique a ordonné la "libération immédiate et absolue" de la Française, détenue depuis plus de sept ans au Mexique ! Sa condamnation à 60 ans de prison a été annulée mercredi 23 janvier 2013, et le dossier refermé, après un long calvaire personnel qui aura également été un grand péril diplomatique.
"Elle est très angoissée, elle a les larmes au bord des yeux, elle a peur parce que elle sait que dans quelques heures va se jouer sa liberté, son destin", avait déclaré sur Europe 1 Me Frank Berton, son avocat français, après l'avoir rencontrée mardi. Son destin, c'est d'être libre, et Me Berton a les larmes au bord des yeux, mais de joie, ce 23 janvier, à l'heure d'aller la tirer de sa prison. Depuis son arrestation au Mexique en 2005, mise en scène par la police comme il a été avéré depuis, et sa condamnation à 60 ans de réclusion pour enlèvements, délinquance organisée et port d'armes prohibées, chacune de ses requêtes a ressemblé à un fol espoir, une tentative désespérée ; chacune a été vaine. Mercredi 23 janvier 2013, la Cour suprême du Mexique, sollicitée pour la deuxième fois après la demande d'une révision en 2011, devait étudier et statuer sur une proposition d'annulation de sa condamnation, motivée par diverses violations avérées au cours de la procédure et relayées par les médias, de plus en plus acquis à la cause de la Française après avoir été sévères à l'encontre de celle qu'ils nommaient "la kidnappeuse". Des irrégularités propres à "mettre à mal la présomption d'innocence", comme l'a constaté l'un des juges lors de la séance, et constituant de "graves violations des droits fondamentaux" de la détenue, comme l'a estimé la juge Olga Sanchez, auteure du rapport préconisant l'annulation de sa condamnation, et qui ont évidemment été au coeur des débats.
A 20h45 le 23 janvier 2013, la délivrance
Il s'agissait d'un deuxième examen, induit par l'absence de consensus, en mars 2012, des cinq juges en charge suite au recours en révision de Florence Cassez, après le rejet de son pourvoi en cassation le 10 février 2011, son troisième et ultime échec devant la justice ordinaire. Les cinq juges, dont un "nouveau" qui ne s'est encore jamais exprimé sur ce dossier, devaient se prononcer pour ou contre l'annulation de la condamnation, et statuer quant à un renvoi du dossier (appel ou cassation) ou bien la libération immédiate de la détenue. Vers 20h30, en pleine audience publique (qui succédait à une audience privée, au cours de laquelle Olga Sanchez avait présenté deux projets), la révision du dossier semblait être dans les clous, mais deux des juges se prononçaient en faveur du renvoi, deux pour une libération. A 20h45, le président ordonnait la libération immédiate et absolue. Le dossier ne sera donc pas renvoyé ; l'affaire est finie ; Florence Cassez peut sortir de prison, rassembler ses affaires, régler sa situation migratoire sur le sol mexicain et quitter le pays. Quant à cette décision historique de la Cour suprême du Mexique, elle fera jurisprudence. "Je pense que demain on sera en France", a indiqué Me Frank Berton, bouleversé, sur le chemin de la prison où est détenue Florence Cassez, "une femme que je rêve d'aller chercher là-bas depuis sept ans", à la sortie du tribunal.
A Paris, le domicile de Charlotte Cassez, la mère de Florence, était devenu le centre de convergence de tous les soutiens à la Française emprisonnée à l'autre bout du monde, cerné par les journalistes. En fin d'après-midi, alors qu'au Mexique les cinq juges de la première chambre débutaient la séance cruciale à 17 heures (heure française), elle recevait même chez elle la sympathie de l'épouse du président de la République, Valérie Trierweiler : "Cela nous fait très plaisir, cela fait très plaisir à Charlotte, de voir qu'elle (Valérie Trierweiler, NDLR) est là dans un moment aussi symbolique, aussi fort", avait commenté pour les journalistes Jean-Luc Roméro, président du comité de soutien à Florence Cassez. Après le verdict, il confiait au micro de BFM TV avoir beaucoup pleuré de joie avec Charlotte Cassez, et attendre les coups de fil du Mexique. La première dame, ralliée à la cause de Florence Cassez par la journaliste Mélissa Theuriau, qui a depuis longtemps pris fait et cause pour elle, est devenue un soutien indéfectible de la détenue et de sa famille. Elle lui envoie chaque mois un colis contenant des victuailles, des livres, des soins ; en décembre, elle retrouvait Mélissa Theuriau mais aussi Marion Cotillard, qui était allée visiter Florence en prison, pour continuer le combat ensemble et montrer que personne n'avait l'intention de l'abandonner, comme François Hollande l'avait lui-même affirmé peu après son élection. D'ailleurs, s'il n'est plus en fonction à la tête de l'Etat, Nicolas Sarkozy demeure lui aussi mobilisé : "Elle a eu Nicolas Sarkozy pendant un quart d'heure au téléphone (hier soir), il l'a encouragée, il l'a aidée, il l'aide depuis des années, le gouvernement actuel l'aide", a confié aujourd'hui devant la presse Me Frank Berton, avocat français de Florence Cassez.
Au QG du clan Cassez, dans l'attente interminable de la décision de la Cour suprême mexicaine, Me Berton se voulait optimiste, osant jusqu'à "espérer que la Cour suprême imagine de libérer immédiatement Florence Cassez, c'est envisageable". Un espoir galvanisant, en écho aux propos tenus un peu plus tôt par Sébastien Cassez, frère de la détenue, dans Nice-Matin : "Ce n'est pas gagné, tout peut arriver. Nous, on veut croire à une libération immédiate de Florence pour vice de forme et droits de la défense bafoués", avait-il estimé, anticipant déjà "un nouveau procès pour déclarer Florence enfin innocente" - "De toute façon, aujourd'hui, tout le monde a compris que l'histoire était pipée".
Et alors que l'opinion mexicaine, au fil des ans, des chapitres de cette chronique judiciaire, et des révélations de pratiques douteuses, a largement changé, suivant la presse, Sébastien Cassez voulait pour gage d'un heureux dénouement le "réchauffement diplomatique" entre la France et le Mexique, que l'affaire avait critiquement opposés en 2011 lorsque le président Sarkozy avait eu des velléités de dédier l'année du Mexique en France à Florence Cassez. En cas de libération, elle "souhaite se remettre tout de suite dans la vie active, reprendre le cours d'une existence normale pour oublier rapidement tout ça", a ajouté son frère, précisant que "ce ne sera pas facile".