Nul président de la République n'est censé l'ignorer : en temps de campagne comme en tant de mandat, le Salon de l'Agriculture de Paris est un passage obligé. Mais, après des précédents aussi marquants que l'expertise de Jacques Chirac en matière de palpation de croupe de vache ou la verve de Nicolas Sarkozy en matière de gestion de la colère avec un certain "sale con", François Hollande n'est pas censé ignorer non plus qu'au Salon de l'Agriculture, ce n'est pas comme à Vegas : ce qui s'y passe n'y reste pas. Et c'est le cas d'une petite vacherie lâchée hier par rapport à son prédecesseur à l'Elysée...
Samedi 23 février 2013, François Hollande retrouvait, pour la première fois dans l'habit du président, cette joyeuse foire d'empoigne qu'est le rendez-vous phare du monde agricole, où il avait passé douze heures d'affilée en 2012, course aux suffrages oblige. "Moi, président" ne pouvait manquer de retourner à la rencontre d'un électorat qui lui est réputé peu favorable, et s'est sans doute armé de courage et d'enthousiasme au moment de débuter à la fraîche, à 7 heures du matin, un nouveau marathon d'une dizaine d'heures.
Un nouveau bain de foule, sans sa compagne Valérie Trierweiler cette fois, était bien au rendez-vous, la convivialité de mise. Accueilli chaleureusement partout, le chef de l'Etat a su flatter ses compatriotes en les quittant "à regrets" vers 17 heures : "Je pourrais rester pendant sept jours mais j'ai quand même autre chose à faire", a-t-il déclaré avant de prendre congé. Cette déclaration-là ne fera guère couler beaucoup d'encre, mais une autre remarque de l'ancien député de Corrèze a en revanche plus d'avenir : face à une fillette qui lui disait "je n'ai jamais vu Nicolas Sarkozy", anecdote déjà cocasse en elle-même, le président François Hollande répliquait en souriant "bah tu ne le verras plus", provoquant l'hilarité de son escorte... devant la caméra de la chaîne d'info i-Télé. Un trait d'humour parmi d'autres, moins inoffensif que d'autres...
D'ailleurs, l'opposition n'a pas manqué de réagir promptement, parlant au mieux d'une petite phrase "déplacée", au pire d'un "dérapage". Invitée dimanche du "Grand Rendez-vous" Europe 1/i-Télé/Le Parisien, Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-porte-parole UMP qui brigue la Mairie de Paris, a pris le parti de la seconde option : "C'est une mauvaise blague donc c'est un dérapage", a-t-elle estimé, reprochant au président "d'insulter les millions de Français" qui ont voté Nicolas Sarkozy et de "rejouer le match", "obsédé" par son prédécesseur. De même, l'ancien secrétaire d'Etat Frédéric Lefebvre a jugé que "sa phrase maladroite sur Nicolas Sarkozy à une petite enfant est lourde de sous-entendus, de calculs politiciens et en plus à une petite fille de 6/7 ans!". Luc Chatel a renchéri, à l'antenne de Radio J, en fustigeant la petitesse et le mépris vis-à-vis des Français de "Monsieur petites blagues".
C'était la seule sortie de route d'une journée à l'esprit apparemment bon enfant, où François Hollande a sacrifié aux foules de photos, de poignées de main, de bises, de dégustations et autres échanges qu'induit cette sortie. Obsédé ou pas par son/ses prédécesseur's), il en a profité pour tenter de marquer son territoire, d'imposer "son propre style, celui de l'écoute, de la simplicité et en même temps de l'action", en déclarant : "Je ne viens pas simplement imiter quelqu'un ou répéter quelque chose."