"Le combat n'est pas fini", ont fait valoir les deux camps au procès d'Harvey Weinstein, lundi 24 février 2020, à l'issue de l'audience qui a vu le jury déclarer le prévenu coupable de – seulement – deux des cinq chefs d'accusation retenus contre lui et instruits devant la Cour suprême de New York. Un combat dans lequel le nabab déchu d'Hollywood, âgé de 67 ans, laisse des plumes : en quittant le tribunal menottes aux poignets, le superproducteur qui était aussi un superprédateur a fait un passage par la case hôpital avant de retourner en prison, se plaignant de douleurs à la poitrine...
Sur le chemin de Rikers Island et de son centre pénitentiaire au nom bien connu des aficionados de New York: Unité spéciale, où il attendra de connaître sa condamnation (laquelle sera énoncée le 11 mars), l'ambulance transportant Harvey Weinstein a en effet été déroutée vers le centre hospitalier Bellevue, où il a été examiné "par mesure de précaution" à la suite d'un épisode d'hypertension artérielle, selon les indications de son représentant, Juda Engelmayer. Mais, bien que diminué par divers soucis de santé (diabète, dos...) et aidé d'un déambulateur lors de ses venues au tribunal, le détenu Weinstein "faisait un peu semblant", à en croire une source de la Page Six du New York Post.
Son avocate, Donna Rotunno, a indiqué qu'il avait également subi des examens à la suite de palpitations cardiaques et que tout "allait bien". Il n'a pas été transféré immédiatement après à Rikers, restant en observation dans l'aile carcérale de l'hôpital, sans être menotté à son lit, mais sous la bonne garde d'agents pénitentiaires. "Harvey est très fort. Il est incroyablement fort. Il a pris connaissance du verdict comme un homme", avait précédemment déclaré Me Rotunno à la sortie du tribunal, avec un choix de mots, compte tenu de la situation, que chacun et chacune appréciera... Et d'ajouter : "Le combat n'est pas terminé. Il va continuer de se battre. Nous allons faire appel."
Lundi, au terme de six semaines d'un procès marqué par les témoignages glaçants des victimes appelées à la barre, pour certaines dans un état de grande détresse émotionnelle, le jury populaire composé de sept hommes et cinq femmes a rendu son verdict, dénouement de pas moins de cinq jours de délibération : Harvey Weinstein, qui avait plaidé non coupable, a été reconnu coupable d'acte sexuel criminel au premier degré sur Miriam Haleyi, ancienne assistante de production de l'émission Project Runway qui a dénoncé un cunnilingus forcé que l'accusé lui a imposé en juillet 2006 ("alors que j'avais mes règles", a-t-elle même révélé), et coupable du viol au troisième degré de la coiffeuse Jessica Mann en 2013. Pour ces crimes, passibles au total de 29 ans d'emprisonnement, il connaîtra sa peine le 11 mars et doit demeurer jusque-là en détention, sur ordre du juge James Burke. Il a en revanche été déclaré non coupable concernant les trois autres chefs d'accusation qui ont pu être instruits, dont le plus grave, celui d'agression sexuelle aggravée, passible de la réclusion à perpétuité.
Next : Los Angeles et d'autres survivantes
Le combat est en effet loin d'être terminé puisqu'au-delà de l'appel de sa condamnation en première instance à Manhattan, Harvey Weinstein devra aussi prochainement affronter la justice en Californie, où il a été inculpé le 6 janvier dernier – soit précisément le jour de l'ouverture de son procès à New York – de viol et d'agression sexuelle sur deux plaignantes distinctes, pour des faits remontant à 2013 qui pourraient lui valoir jusqu'à 28 ans d'emprisonnement dans cet État. Dans la foulée du verdict rendu dans la Grosse Pomme, le bureau du procureur du comté de Los Angeles a signalé au New York Post sa ferme intention de continuer à préparer le procès attendu en Californie. Weinstein n'a pas encore fait savoir ce qu'il plaiderait, mais il y a lieu de penser qu'il ne déviera pas de sa ligne de défense.
Du côté des accusateurs et des accusatrices, même si ce premier verdict est une victoire en demi-teinte, il n'en reste pas moins une victoire et un jalon important dans la destitution d'un odieux prédateur sexuel. Sur Twitter, les réactions ont fleuri, accompagnées des hashtags #coupable, #weinsteincoupable et #justice : "Aux femmes qui ont témoigné dans ce dossier et qui restent traumatisées par l'enfer qu'elles ont vécu : vous avez rendu un service d'intérêt général aux filles et aux femmes partout. Merci à vous", a ainsi tweeté l'actrice Ashley Judd, première personnalité à avoir dénoncé les agissements d'Harvey Weinstein lors de la révélation du scandale, en octobre 2017. À l'époque, Ronan Farrow avait signé pour le New Yorker une tribune regroupant les témoignages accablants de nombreuses victimes du magnat hollywoodien et, depuis, il n'a eu de cesse d'exposer ses méfaits ; lui aussi s'est réjoui de ce verdict de culpabilité tant espéré : "Le dénouement du procès d'Harvey Weinstein aujourd'hui à New York est le résultat de la décision de nombreuses femmes de parler aux journalistes et aux procureurs, à leurs risques et périls. Merci de penser à elles aujourd'hui", a loué le fils de Mia Farrow.
Rosanne Arquette, qui a elle aussi pris la parole contre le producteur abusif, s'est quant à elle immédiatement projetée vers la suite : "À l'heure où nous parlons, les avocats de Weinstein sont en train de remplir des documents pour éviter qu'il retourne en prison. Peu importe ce qui arrivera, il sera toujours un violeur. Et maintenant, place au procès à Los Angeles. D'autres survivantes à la barre."
Pour rappel, plus de 80 femmes dont des actrices de tout premier plan (parmi lesquelles la Française Léa Seydoux, mais aussi Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou encore Rose McGowan) ont témoigné d'expériences dégradantes et de comportements inappropriés – euphémisme.