Elle est l'unique fille du dessinateur Philippe Honoré, assassiné froidement le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo aux côtés de ses amis et collègues. Interviewée dans les colonnes du journal Libération, Hélène Honoré évoque la mémoire de son père, partage quelques bribes de souvenirs touchants et se remémore son caractère pudique, discret, à son image. "Il était beaucoup moins médiatique que les autres dessinateurs de Charlie, il n'aimait pas être filmé ou interviewé. Cela m'a blessée parfois, notamment après le 7 janvier, quand on l'oubliait. En même temps, ça correspond à ce qu'il était. Il était absent des médias de son vivant, il l'est après, normal."
Quinze mois après la disparition de son père, Hélène Honoré, qui est professeur d'économie dans l'enseignement supérieur, continue de militer pour que son travail de dessinateur ne soit pas oublié. En avril dernier, elle faisait ainsi publier un premier recueil posthume de ses oeuvres, Petite anthologie du dessin politique (éditions La Martinière). "Mon père m'a légué des dessins, une histoire, mais aussi ses amis", ajoute-t-elle. Parmi ceux-ci, avec lesquels elle se réunit désormais à chaque "déjeuner du mardi" comme le faisait autrefois Honoré, elle compte le poète Marc Villard. "On ne s'est pas posé de question quand elle a remplacé son père. On est tous admiratifs du travail qu'elle entreprend pour lui donner la place qui lui est due dans le dessin français", souligne-t-il à son propos. Hélène Honoré est également très proche de l'illustratrice Catherine Meurisse, une des rescapées de Charlie Hebdo qui avait échappé à la tuerie après s'être levée en retard. Ensemble, elles ajoutent le pochoir oublié qui représente Philippe Honoré sur un mur de Paris, lorsque figurent déjà ceux de Cabu, Wolinski, Charb et Tignous. Ensemble, elles ont surtout vécu le même "état de sidération" qui les rendaient imperméables au monde après les attentats. Les deux femmes ont surmonté leur chagrin au travers de l'art, car Catherine Meurisse a également publié un nouvel ouvrage, La légèreté.
Dans les pages du magazine Gala (en kiosque ce 1er juin), la dessinatrice de 36 ans promeut justement cette bande dessinée touchante et subtile qui fait office de catharsis. Celle qui a perdu ses mentors et amis le 7 janvier 2015 a créé cet ouvrage qui lui a permis de faire ressortir toute la beauté de son art, son "ultime voile de protection". Après une année passée dans l'ombre et le silence, elle se remémore ceux qu'elle a perdus, ces "grands frères" qui lui avaient donné sa chance de réaliser son rêve en intégrant une rédaction. "[Lorsqu'ils sont morts] je me suis retrouvée dans un état de fragilité totale. C'est comme s'il y avait eu une vitre entre le monde et moi. J'étais spectatrice de ma propre souffrance", confie Catherine Meurisse. "Je n'ai jamais vraiment cessé de dessiner, mais mon trait était sec et ressemblait à un réflexe. Je ne trouvais plus de sens à rien, une partie de moi est morte avec eux", ajoute-t-elle. Expliquant avoir renoncé au dessin d'actualité car "pour ça il faut de la colère, et je n'ai plus de colère", l'illustratrice compte désormais s'inscrire "dans la douceur" et "le temps littéraire, qui est un temps plus long". "J'ai besoin de ce pas de côté pour me reconstruire", conclut-elle.
S.L.