C'est une Isabelle Adjani amincie, heureuse et à l'aise dans son corps, que Madame Figaro a rencontrée et sublimée en couverture de son dernier numéro. Exit les lunettes noires, l'iconique actrice française consent à se laisser de nouveau regarder, désirer, elle qui a refusé que son visage et sa silhouette soient retouchés. "Oui, puisque je trouve que, là, je n'en avais pas besoin, même si je n'ai rien contre les retouches, absolument rien, quand elles peuvent vous arranger", justifie la star.
"Je vais bien, je me sens bien dans mon corps, le bonheur m'arrive de l'intérieur", confie-t-elle à Richard Gianorio, qui glissait un peu plus haut que la comédienne "a récupéré son corps (taille 36)". "J'ai récupéré une bonne fois pour toutes la liberté de ma relation à mon corps. Depuis un an et demi, à mon rythme, je m'accompagne du regard, le mien, pas celui des autres", assure quant à elle l'intéressée.
Durant cet entretien, il est question de son rapport au corps, à une protection s'apparentant à la fuite qui lui a permis d'éviter de trop croiser le regard des hommes et notamment des prédateurs sexuels. Pourtant, le harcèlement, Isabelle Adjani l'a expérimenté elle aussi. "Une fois, il y a très longtemps, je me suis rendue à Rome pour rencontrer un réalisateur italien dont j'ai oublié le nom – je vous jure que c'est vrai, j'ai effacé son nom. Les black-out et le silence, ça marche la main dans la main, vous savez ! Là, on m'a apporté une nuisette transparente afin que je la passe pour un bout d'essai. J'étais mineure, je me sentais déshonorée. J'ai dû supplier pour qu'on me ramène à l'aéroport", raconte l'actrice qui vise ce "genre de traumatisme initial et les conséquences que ça peut produire sur une carrière".
Les années défilant, la star de La Reine Margot ou de L'Été meurtrier dit n'avoir "pas de rancune" vis-à-vis de ces hommes. "Mais j'ai connu ça au théâtre, un acteur avec une vraie violence physique, se rappelle-t-elle. Il a même cassé le bras d'une actrice plus tard et s'est fait traîner en justice par une autre encore. Lui échapper était devenu tellement obsédant pour moi que je suis tombée malade. J'ai dû arrêter la pièce. Tout le monde m'était tombé dessus comme si c'était ma faute. Ça marque... Je n'en ai jamais parlé explicitement, parce que j'avais honte."
Et cette honte, Isabelle Adjani la doit à son père. "J'ai été élevée dans la honte avec un père qui m'exhortait à baisser les yeux si le regard d'un homme se posait sur moi. Je n'ai donc développé aucun réflexe de défense face à un homme, encore moins s'il avait entrepris de m'agresser. Mon réflexe de survie a toujours été le même depuis l'enfance : ne pas me montrer, me cacher, m'enfuir", confie l'actrice aujourd'hui de 62 ans qui s'est enfermée dans "une sorte d'autosabotage" et dit avoir beaucoup souffert du "dimorphisme", soit de "ne plus se montrer telle qu'on est vraiment pour être à l'abri". Avant d'en sortir aujourd'hui et de respirer enfin...
Interview à retrouver en intégralité dans Madame Figaro, supplément du Figaro des 3 et 4 novembre 2017.