Avec une carrière aussi riche que la sienne, des aventures, des épreuves et des tempêtes, Isabelle Adjani a beaucoup de choses à raconter. Dans un très bel entretien accordé à L'Express, la comédienne à l'affiche de Carole Matthieu explique notamment pourquoi elle a imposé à ses fans de longues périodes d'absence.
"Ce sont des périodes de deuil. Familiaux ou sentimentaux, avoue-t-elle, avant d'égrainer les passages à vides, le coeur lourd. Des amis perdus, la maladie de ma mère, puis sa mort, puis celle de mon frère... Alors je ne bouge plus." "Et puis il y a ma séparation d'avec Bruno Nuytten le metteur en scène de Camille Claude", raconte-t-elle, évoquant ce chapitre comme "une réelle rupture, comme un décès, la perte artistique la plus douloureuse" de sa carrière. "J'ai su que je n'aurais plus envie de faire du cinéma comme avant", ajoute-t-elle.
Je me fermais par crainte des représailles qui m'attendaient à la maison
Sans guère plus de concession, Isabelle Adjani a également replongé dans ses premiers déchirements, ses premiers rôles, à travers le prisme des "diktats familiaux". Elle raconte notamment qu'elle longtemps refusé le rôle de L'Été meurtrier (1983) à cause de son père, et ce "malgré un pont d'or". "Je ne pouvais pas apparaître nue à cause de mon père. Pour un Algérien aux principes d'éducation très stricts, ce rôle d'une jeune femme qui se sert de son impudeur pour tuer les hommes n'était pas une chose envisageable", révèle-t-elle. Mais plus le temps passait, plus Isabelle prenait conscience qu'elle ne devait pas laisser passer sa chance sur un personnage qu'elle chérissait déjà. Et elle a réussi à convaincre, même si elle a été "payée des cacahuètes". "Et puis finalement, très malade depuis des années, mon père est mort avant la sortie du film", se souvient-elle.
Mais elle estime que cette histoire est à l'image du début de sa carrière, sa médiatisation d'alors et sa gêne vis-à-vis de ses parents. "Ne pas raconter sa vie, ne pas montrer ce qu'on ressent, se méfier de tout et de tout le monde... Je me fermais aux journalistes par crainte des représailles qui m'attendaient à la maison", confesse la comédienne qui a souffert, des années durant, de cette lumière pesante. "Mon père trouvait cela indécent, se rappelle-t-elle. Je me souviendrai toute ma vie de ma vie de ces inconnus tarés, obsédés par ma toute jeune personne, qui avaient envoyé à lui ainsi qu'à nos voisins des lettres anonymes pleines d'horreur qui m'ont valu quelques corrections mémorables." Et de conclure : "Ma liberté est ma première indiscipline."
Interview à retrouver en intégralité dans L'Express (N°3413), en kiosques dès le 30 novembre 2016.