Dans le cinéma français, elle est démesurée et monumentale. Pour De Force, Isabelle Adjani est terre-à-terre et banalisée. C'est Frank Henry, un gangster de premier rang, qui lui a fait parvenir le scénario de ce polar nerveux. Il raconte que le lendemain matin, l'actrice le rappelle : "Je vais tout faire pour vous convaincre que Clara Damico, c'est moi." Interrogé par Libération pour son premier film, Franck Henry exulte en racontant l'anecdote : "C'est quand même cinq César qui vous parlent."
La rencontre entre Isabelle Adjani et Franck Henry ressemble à une vraie surprise. A 51 ans, il semble s'être trouvé : "Si j'avais su que j'étais un raconteur d'histoires, que je pouvais amener les téléspectateurs dans mon délire et gagner ma vie honnêtement, je l'aurais fait avant." Car après vingt ans derrière les barreaux, rien ne pouvait présager son incursion dans le cinéma.
C'est d'abord Cédric Klapisch qui vient lui demander ses conseils de malfrat pour Ni pour ni contre (bien au contraire), un polar avec Marie Gillain. Puis Yves Rénier, touché par une lettre du détenu qui s'est lancé dans l'écriture de romans. Ensemble, ils écrivent un épisode de Commissaire Moulin ; un succès qui facilite sa libération et lui offre un contrat avec TF1. Il rencontrera ensuite Olivier Marchal, un policier devenu cinéaste avec 36, Quai des Orfèvres et MR73, des polars bruts et impressionnants. Ils co-écrivent ensemble Braquo, une série policière pour Canal+ qui rencontre un immense succès.
Isabelle Adjani, de son côté, n'a plus rien à prouver après avoir offert un panel d'images inoubliables au cinéma. Ses cris désespérés sous la fenêtre de Rodin dans Camille Claudel, sa sensualité débordante dans L'été meurtrier, sa robe maculée de sang dans La Reine Margot, son amusement dans Bon Voyage, ou son interprétation absolument démente dans Possession.
Après son cinquième César en 2010 pour La journée de la jupe, la comédienne confirme qu'elle est à l'écoute la nouvelle génération. Il y a quelques années, elle confiait que de jeunes cinéastes comme Céline Sciamma (Naissances des pieuvres) et Damien Odoul (En attendant le déluge), représentaient un nouveau souffle artistique. Après son apparition fantômatique dans Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern, aux côtés de Gérard Depardieu, sa présence dans De Force n'est plus une surprise, mais un nouveau symptôme de la curiosité qui dirige la comédienne. Une curiosité qui va de pair avec des risques plus grands puisqu'en l'occurrence, Franck Henry avoue avoir rencontré des obstacles pour réaliser son film, dont le tournage très serré expliquerait les défauts.
Pour avoir eu le privilège de visionner le film, on peut déjà vous dire qu'Isabelle est absolument magnifique et très crédible dans ce rôle inattendu de commissaire de la BRB, et que les comédiens, dont Thierry Frémont, qui font partie de sa brigade sont criants de vérité.
Eric Cantona, déjà vu dans Looking for Eric de Ken Loach, joue le rôle du gangster qui est contraint d'aider Isabelle Adjani à résoudre une série de braquages, et Simon Abkarian est le cerveau du gang des braqueurs. Ils sont eux aussi exceptionnels. De Force sort le 26 octobre 2011, et fera dans tous les cas parler de lui.