"On devrait toujours non seulement accepter mais se réjouir qu'une autre apporte à l'homme de sa vie ce que l'on n'est plus à même de lui donner, tant il est vrai (...) qu'avoir des relations physiques avec son vieux mari revient quasiment à commettre un inceste", écrivait Françoise Hardy dans son autobiographie, Le Désespoir Des Singes et Autres Bagatelles édité chez Robert Laffont en 2008. Les mots ne devaient rien au hasard. Sans donner son nom, se contentant de mentionner cette "autre" désincarnée, la chanteuse qui vient de tirer sa révérence évoquait avec l'élégance et l'intelligence qui la caractérisaient l'autre femme de la vie de Jacques Dutronc. Comme pour prolonger le sens de sa pensée, elle avait expliqué au même moment à nos confrères de Gala : "Tout ce que je veux, c'est qu'il aille bien, avec ou sans moi. "Sache que je suis ta meilleure amie et que tu peux absolument tout me dire", lui ai-je confié un jour. C'est magnifique de devenir la meilleure amie de son mari..."
Face à la "meilleure amie" qu'était devenue Hardy pour Dutronc, une autre femme avait pris place. Une amante. Une femme qui a depuis longtemps un nom et un visage mais qui restait dans l'ombre. Jusqu'aux funérailles extrêmement poignantes, malgré un petit couac, de l'interprète de Message Personnel. Le 20 juin dernier, au cimetière du Père-Lachaise, elle était là, bien forcée d'endosser désormais tous les rôles et non plus seulement celui de la maîtresse, qu'elle tient auprès de Jacques Dutronc.
Elle s'appelle Sylvie Duval et est entrée dans la vie de Jacques Dutronc en 1997. Cette année-là, devant la caméra de Nicole Garcia, Dutronc tourne avec Catherine Deneuve le film Place Vendôme. En coulisses, une maquilleuse, jolie brune élancée, happe le regard du chanteur au cigare. Il ne la quittera plus des yeux. Comme lors de cette interview réalisée par un confrère du Monde en 2010 qui raconte : "Comme d'habitude, il (Dutronc) ne regarde pas son interlocuteur en parlant, un truc appris au cinéma. Il préfère chercher des yeux la longue jeune femme brune au visage énergique qui est désormais sa dame de coeur..."
Une dame entrée dans sa vie alors que la rupture avec Françoise Hardy était déjà consommée depuis une dizaine d'années. C'est d'ailleurs la chanteuse qui avait mis un terme à cette histoire qui ne s'écrivait plus qu'en pointillé du fait des infidélités du chanteur, même si l'inverse pouvait arriver aussi... La chanteuse avait à l'époque décidé de le quitter pour un autre homme. Tout en restant proche de lui, au figuré, mais aussi au propre puisqu'ils sont restés mariés jusqu'à la fin et qu'ils ont longtemps habité les mêmes lieux...
Notamment ce grand duplex dans le 16ème arrondissement dans lequel la chanteuse s'est éteinte et où ils vivaient encore ensemble... mais séparément, lui habitant au rez-de-chaussée cependant qu'un petit ascenseur permettait à Françoise Hardy de rejoindre ses quartiers : "C'est très pratique d'avoir chacun notre étage, confiait-elle en 2000 au le journal Le Soir, car nous n'avons pas les mêmes relations, les mêmes amis." Chacun pouvait, à Paris, avoir sa vie. Notamment Dutronc, avec Sylvie.
Il n'en était de pas de même dans la maison de Monticello, en Corse. Là-bas, raconte Gala dans un article paru début juillet, dans cette demeure acquise par Françoise Hardy en 1967 et que Dutronc avait fini par s'approprier, Sylvie avait bien sûr sa place. Mais d'après nos confrères, l'amante quittait discrètement les lieux lorsque la femme allait y séjourner. Une prise de distance qui, semble-t-il, n'équivalait en rien à une quelconque animosité entre elles.
Car aussi incroyable que cela puisse paraître, ainsi qu'elle l'écrivait dans son livre et qu'elle le signifiait à ces visiteurs, Françoise Hardy semblait en effet "se réjouir" de savoir son mari dans les bras de cette nouvelle femme sur laquelle elle ne tarissait pas d'éloge. Une femme qui pouvait à sa place veiller sur le grand enfant qu'est resté Dutronc et pour laquelle elle semblait nourrir un grand respect.
Sylvie s'occupa d'ailleurs de Jacques au-delà de l'imaginable puisqu'elle sauva à deux reprises la vie de son amant ainsi qu'il le révéla en novembre 2023 dans Le Parisien. "Elle n'aime pas qu'on parle d'elle, mais c'est une fille formidable. Sans elle, je ne sais pas comment je m'en sortirais. Elle sait tout faire, elle cuisine, bricole. Et elle m'a sauvé la vie deux fois. J'ai un trou, là (il montre sa joue). J'étais ouvert jusqu'au front, à cause d'un chat qui m'a fait tomber dans les escaliers en pierre du jardin. J'étais sous anticoagulant et ça pissait sans arrêt. Je m'étais sectionné les glandes salivaires. Sylvie a fait venir les pompiers. Sinon, je serais resté crevé. Et la deuxième fois, elle me trouvait bizarre, je ne mettais pas les bons boutons... Elle m'a emmené à l'hôpital à Bastia, j'avais un énorme hématome dans le crâne, 75 cl de sang. Une bouteille de bordeaux ! Direct à la Pitié-Salpêtrière. Je l'ai échappé belle"
Françoise Hardy avait bien conscience que son mari était tombé sur une amante miraculeuse. Elle le reconnaissait d'ailleurs volontiers publiquement, avec des mots, d'ailleurs, un peu similaires à ceux de Dutronc, comme dans cette interview qu'elle avait accordée à Gala en 2010 dans laquelle elle s'était épanchée sur Sylvie. "Elle est belle, débordante d'énergie, toujours prête à sauter dans un avion pour le rejoindre, et capable de cuisiner, réparer un toit, rempailler une chaise, édifier un muret, peindre, coudre, mille autres choses encore... Il m'arrive de blaguer en disant qu'elle sait tout faire... sauf des chansons." Un sentiment que Françoise Hardy éprouvait toujours, six ans plus tard lorsqu'elle avouait à Paris Match en novembre 2016 : "Je suis bien contente qu'il ait Sylvie. Vraiment. J'espère qu'il restera avec elle, parce qu'il serait perdu sans elle. Sylvie fait ce que moi, je ne peux plus faire pour lui depuis longtemps."
En l'occurrence, aujourd'hui, il ne reste plus que Sylvie. Et force est de constater qu'elle est restée cette femme discrète, mais dont la présence protectrice constitue un indispensable soutien à celui que Françoise Hardy qualifiait de "mon veuf imminent". À l'issue des obsèques de la chanteuse devant le cimetière du Père Lachaise, elle a rejoint Jacques Dutronc à l'arrière d'un véhicule. Et au-dessus de la vitre ouverte, c'est sa main qui recueillait les nombreux bouquets tendus par la foule, dernier hommage à la femme... de son homme.