Mardi 26 janvier, Marc-Olivier Fogiel recevait le romancier et académicien Jean d'Ormesson sur son (désormais) célèbre Divan (France 3). "Patient difficile" au départ, comme l'a qualifié l'animateur, l'homme de 90 ans s'est finalement prêté au jeu.
Carrière, engagements, amitiés... De nombreux aspects de la vie de "Jean d'O" ont été abordés, mais c'est sans conteste l'enfance de l'écrivain qui a été le plus largement abordée. Celui que l'on connaît pour son sens de la formule et son humour s'est montré très affecté lorsque ses rapports avec son père ont été évoqués.
Mon père m'empêchait de m'amuser
Ambassadeur, ami de Léon Blum et plaçant les institutions au-dessus de tout, André d'Ormesson était intransigeant envers lui-même et son fils, dès son plus jeune âge. "Cet homme était incroyablement réactionnaire pour les moeurs. Quand j'avais 19 ou 20 ans - j'étais peut-être déjà normalien, sur le point d'être agrégé -, si le téléphone sonnait, je me précipitais pour décrocher car, si c'était lui et qu'il entendait une voix de femme me réclamant, il répondait toujours : 'Qu'est-ce que vous lui voulez encore ?' Son but était de m'empêcher de m'amuser pour travailler", raconte Jean d'Ormesson.
Hypokhâgne, khâgne, Ecole normale supérieure, agrégation de philosophie : le jeune Jean suit une voie honorable. "Longtemps, j'ai travaillé au lieu de baiser", résume-t-il. On ne le contredira pas. Mais le résultat de ces années d'érudition est une crise d'adolescence tardive. Dans son dernier ouvrage Je dirai malgré tout que cette vie fut belle (Gallimard), il écrit à ce sujet : "J'ai été odieux avec mon père vieillissant, je devais tenter, j'imagine, de me libérer coûte que coûte du poids que sa douceur écrasante faisait peser sur moi. A la soumission affectueuse ou même tendre que je lui témoignais se substituait peu à peu sinon une hostilité, du moins une sorte de hargne." Des morts forts couchés sur papier, mais que l'auteur est incapable de commenter face à Marc-Olivier Fogiel.
Il est mort persuadé que j'étais un voyou
Submergé par l'émotion, Jean d'Ormesson se reprend pourtant. "Je ne peux pas parler de ça, je l'ai écrit, mais je ne peux pas en parler... Mon père est mort persuadé que j'étais un voyou... C'est une grande douleur, une plaie", confie-t-il avec difficulté, presque soixante ans après la mort de ce dernier.
C'est donc de façon posthume que Jean d'Ormesson a tenté de se rattraper. Il explique : "Si je suis entré à l'Académie, si j'ai été directeur du Figaro et fait un semblant de carrière dans des organisations internationales comme l'Unesco, c'est pour obtenir le pardon de mon père."
Le Divan de Marc-Olivier Fogiel a très bien marché hier soir, puisque l'émission a réuni 730 000 téléspectateurs, soit une part de marché de 8,7% auprès de l'ensemble du public âgé de 4 ans et plus. Une part d'audience record, qui n'avait pas été atteinte depuis le premier numéro du programme avec Fabrice Luchini.