"Désinvité." Si le terme joue les euphémismes, le procédé n'en est pas moins brutal : convié à intervenir lundi dans la matinale à succès de son confrère Yves Calvi sur RTL, Jean-Pierre Pernaut a vu ce rendez-vous programmé depuis plusieurs semaines annulé au dernier moment. Un revirement auquel Nicolas de Tavernost, nouveau patron de la première radio de France suite à son rachat par le groupe M6, ne serait pas étranger, a avancé le quotidien Le Parisien dans un écho corroboré par la suite par L'Express...
Quelques mois après son précédent passage dans l'émission Laissez-vous tenter (9h-9h30), le présentateur du plus populaire des journaux télévisés, sur TF1, devait se faire une joie d'y revenir pour célébrer à l'antenne de RTL ses 30 ans de JT, cap qu'il atteindra le 22 février 2018, et de défendre avec son opiniâtreté usuelle la ligne éditoriale si particulière de son journal, à laquelle les Français qui le suivent sont si attachés, tout comme lui. Occasion manquée pour Jean-Pierre Pernaut (qui était ce 17 février l'invité d'honneur d'Isabelle Ithurburu dans Le Tube), et il lui faudra se contenter d'une séquence enregistrée diffusée le jour J.
Ni envisagé, ni envisageable
Nicolas de Tavernost avait assuré début octobre 2017, quelques jours avant la précédente venue de JPP, que le rachat de la station ne "changera[it] rien dans l'immédiat" pour les salariés et les auditeurs, et ce serait en l'occurrence le premier épisode d'interventionnisme constaté par les collaborateurs de RTL, selon les observations faites par L'Express. "Il est évident qu'il s'agit d'une "logique de groupe". Il n'a pas voulu faire de la publicité pour un concurrent direct de M6. Nous sommes abasourdis. Ce genre de pratique n'était ni envisagé, ni envisageable pour nous", a même confié à l'hebdomadaire l'un des salariés. Déjà, en rapportant l'affaire, Le Parisien avait fait planer le spectre de la censure, menaçant l'indépendance éditoriale...
Une crainte loin d'être à prendre à la légère au sein d'une station qui regroupe certains des talents radio-journalistiques les plus (im)pertinents de leur époque, avec, outre le susmentionné Yves Calvi, des professionnels aussi émérites que Marc-Olivier Fogiel, Stéphane Bern, Julien Courbet, Jacques Pradel... Quant à Laurent Ruquier et ses Grosses têtes (plus de 2,5 millions d'auditeurs quotidiens), trouveront-ils matière à en rire autrement que jaune ?
Simple fait isolé ou signe avant-coureur d'un encadrement éditorial, l'avenir dira si la question mérite d'être posée et si la liberté de ton de la radio numéro 1 de France, clef de voûte de ses audiences florissantes (6,5 millions d'auditeurs sur la dernière vague mesurée par Médiamétrie), est en jeu.