"Pas une fin de vie, mais le début d'une nouvelle existence." Dans une interview accordée en décembre 2023 à Var-Matin, Philippe Bouvard prenait avec philosophie la perspective de la retraite. À bientôt 94 ans cela peut paraître normal mais le journaliste était, jusqu'il y a peu, encore très actif !
Après l'arrêt forcé des Grosses têtes, au profit de Laurent Ruquier en 2014 sur RTL, le journaliste a enchaîné avec deux émissions animées sur la même radio. Il y a d'abord eu Allô Bouvard, diffusée le week-end jusqu'à l'été 2020. Puis Les Portraits de Philippe Bouvard, le dimanche à 6h40, qui revenait sur les grands moments ayant forgé sa carrière.
En juin dernier, RTL a annoncé la fin de ce rendez-vous en janvier 2025, à l'occasion de son soixantième anniversaire à l'antenne, un record mondial. "Il y a une tentation, qui n'est pas une tentation de paresse, mais une tentation de record, c'est d'aller jusqu'au 1er janvier, ce sera déjà pas mal, et ensuite d'écouter les autres et de faire silence, a expliqué Philippe sur RTL, en référence à la retraite qu'il a longtemps refusée. Parce que le 1er janvier, j'aurai établi le double record que j'espérais, c'est-à-dire soixante ans de radio et soixante ans de RTL." Il a en effet démarré en 1965 à Radio Luxembourg, devenue RTL en 1966, avant d'y lancer Les Grosses têtes en 1977 et d'en faire l'émission la plus écoutée de France.
Voici maintenant venu le moment pour le vétéran de se retirer dans son penthouse de 100 mètres carrés du centre-ville cannois où il vit avec sa femme depuis 71 ans, Colette, âgée de 88 ans. Une propriété confortable mais modeste au regard de celles qu'il a occupées dans sa vie. C'est ainsi qu'après y avoir vécu 32 ans, l'ancien animateur des Grosses Têtes et son épouse se sont séparés en 2016 de leur ancien hôtel particulier en plein coeur de Paris. "J'ai toujours eu une passion pour les belles maisons, avait-il expliqué au Figaro. Parfois, je regarde les annonces immobilières juste pour le plaisir et je rêve. Avant de me décider à acheter une maison, je me demande si je pourrais y vivre. Et je m'imagine au quotidien. J'ai besoin de ressentir les ondes. Alors je m'assieds seul dans les différentes pièces et j'attends."
Philippe Bouvard estimait notamment avoir une disposition instinctive pour placer les meubles et les objets et confessait une préférence pour le rouge, le vert et l'acajou. Sa citation fétiche est de lui-même : "On dit d'une maison sans intérêt qu'elle a de beaux placards, comme on dit d'une femme laide qu'elle a de beaux yeux."
Philippe avait aussi ses exigences : un dressing important, bien rangé et d'accès facile, pas de téléphone dans les pièces de repos et toujours un jardin. "Les arbres ont sur moi l'effet sédatif dont j'ai besoin et comblent parfaitement l'idée que je me fais de la campagne." Derrière une porte discrète, sa demeure parisienne époque Directoire surplombait donc la verdure de ses murs roses. Cette propriété de 300 mètres carrés, dont le sous-sol était doté d'une salle de poker, il l'a vendue à regrets : "Cette maison est trop grande, trop lourde. Les impôts ont atteint un niveau confiscatoire, justifiait-il en 2016 dans un entretien au Parisien. Cela me fait de la peine, mais c'est plus raisonnable." Cette vente semble avoir signé le début d'un certain détachement par rapport aux choses matérielles. La même année, lors d'une vente aux enchères, il se séparait aussi de sa Rolls Royce Corniche, de nombreux meubles, de 200 bouteilles de grand cru et de 4000 livres.
Il faut dire que Philippe doit assurer un train de vie coûteux avec gardien, majordome, chauffeur et secrétaire. "Je suis un infirme... en bonne santé, ironisait-il pour s'en expliquer dans VSD. Un infirme linguistique – je ne parle pas une langue étrangère –, un infirme ménager, je ne sais rien faire de mes dix doigts, je ne conduis plus. Oui, ça signifie toute une organisation autour d'un type qui égale à zéro."
Amoureux du soleil, le couple vit désormais dans un appartement de 100 mètres carrés sur la Côte-d'Azur. Ce, après avoir cédé en 2021 leur pharaonique Villa Katoucha, de 442 mètres carrés et 3 190 de terrain, à Cannes. Une propriété énorme qui comptait six chambres, une salle de sport, un espace lounge, une véranda et une piscine. Leur quotidien s'inscrit dorénavant dans un logement plus fonctionnel, en raison de la santé de Philippe et de son manque de mobilité, lui qui se déplace en chaise roulante. En novembre, il n'a pas été en mesure de livrer sa chronique intitulée Bouvardages à VSD.
Si la fin de sa carrière n'a jamais été si proche, cette légende des médias français peut se rassurer en contemplant son parcours hors-normes. Fils d'un directeur de sociétés qui l'a abandonné avec sa mère le jour de son accouchement, après lui avoir volé ses bijoux et ses économies, il a échoué trois fois à avoir son baccalauréat. Il était entré en 1952 au Figaro comme coursier, gravissant à une vitesse supersonique tous les échelons menant à la gloire.
Bien qu'il se soit ces derniers temps délesté d'une bonne partie de ses biens, Il laissera tout de même un héritage de plusieurs millions d'euros à ses deux filles, Dominique (née en 1954) et Nathalie (née en 1964), ses quatre petits-enfants et ses deux arrière-petits-enfants. Avec cette autre citation de son cru à leur faire méditer : "L'héritage offre la possibilité de toucher dans l'âge adulte les sommes qu'on vous a refusées dans votre jeunesse."