Dans les gradins de l'Aquatics Centre de Londres, que les Jeux olympiques emplissent de tumulte et d'émotions, Valérie Bègue semble inconsolable. Pourtant sublime dans une robe vert menthe soulignant ses rondeurs de future maman, elle partage terriblement, les yeux embués de larmes, la détresse du futur papa, son compagnon Camille Lacourt, hébété, abattu...
Pour lui, toute place sur le podium autre que la première aurait été une contre-performance et une déception. Mais une place dénuée de médaille, ça, c'était impensable. L'attitude prostrée de Camille Lacourt, et, en tribunes, de sa maman Martine, présente avec Valérie Bègue à son côté, enceinte de six mois de leur premier enfant, en disait long sur la cruauté du coup de massue encaissé par le Narbonnais.
Champion du monde en titre du 100m dos, qui lui avait apporté tellement de bonheur en juillet 2011 à Shanghai, le nageur du CNM a coulé à pic dans la finale de la distance aux Jeux olympiques de Londres, dont il a fini 4e lundi 30 juillet 2012. LA course pour laquelle il s'était préparé, pour laquelle il s'était même réservé. En pure perte. Quelques minutes plus tôt, le clan tricolore exultait pourtant, et même le président de la République François Hollande applaudissait, alors que Yannick Agnel, 20 ans, s'adjugeait magistralement la médaille d'or du 200m nage libre. Ascenseur émotionnel : la déconfiture inattendue de Camille Lacourt laisse un goût amer à la fin de soirée.
Et de même que le succès de Yannick Agnel s'était dessiné irrésistiblement au fil d'une course maîtrisée, la faillite de Lacourt a semblé inéluctable pendant un deuxième 50 mètres interminable. Surtout pour lui. "Ça a coincé", a-t-il admis après coup. Virant en tête au bout de la première longueur, le séduisant athlète de 27 ans paiera une coulée trop profonde, puis un manque de jus qui l'empêchera de tenir le rythme de l'Américain Matt Grevers et même d'accélérer dans le sprint final pour sauver les meubles. Le comble : ce final ultralaborieux, ces trois ultimes mètres qui ont eu l'air d'en faire dix, cette très mauvaise touche qui offre même au Japonais Ryosuke Irie, pour 11 centièmes, une médaille de bronze derrière Grevers et son compatriote Nick Thoman. A bout de souffle, à bout de nerfs, Lacourt est hagard...
Au micro de Nelson Monfort, il ne se remet pas de cet état apathique, comme anesthésié par la déception : "Je l'espérais. C'est le jeu, c'est le sport... (hébété, il est à court de mots). Ça coince, c'est dur ; j'ai fait une grosse année, j'ai bien travaillé... C'est le sport... Ça fait chier, mais c'est le sport. Ce sera pas le meilleur souvenir de ma carrière", lâchera-t-il, éteint.
Ses meilleurs souvenirs, en fait, l'attendent, il en est conscient. Avant même la compétition olympique, Camille Lacourt savait que, quel que soit le résultat, il prendrait un congé de "quatre mois sabbatiques" pour profiter de sa vie avec l'ancienne Miss France Valérie Bègue et savourer les joies de la parternité : "C'est la vraie vie. La natation, c'est juste une petite partie de la vie. (...) Je sais que le plus beau est à venir et ce n'est certainement pas dans la piscine que je vais vivre des émotions comme celles que je vais ressentir après les Jeux", avait-il ainsi déclaré cette année en interview avec le Parisien. Après une telle désillusion, la question de ce retour après cette pause bébé se pose immanquablement : y trouvera-t-il un second souffle et l'envie de prendre sa revanche, ou au contraire celle de tourner la page, avec un palmarès somme toute gratifiant ?
Sa maman Martine, en 2010, au moment de la révélation de Camille Lacourt lors des championnats d'Europe de Budapest (trois médailles d'or), décrivait un garçon simple et sain, avec la tête sur les épaules et les pieds dans le sol, mais aussi plein d'ambition et de persévérance : "Camille est un battant. Il est déterminé. Lorsqu'il a un objectif, il fait tout pour l'atteindre et ne s'arrête pas sur un échec. Sa plus grande déception reste sa non-qualification aux JO de Pékin car il souffrait d'un zona. D'autres auraient baissé les bras. Pas lui. Il a tout de suite rebondi. Il s'est donné encore plus." Mais elle disait aussi, louant son "bon caractère, toujours de bonne humeur", qu'il "cherche toujours le côté positif des choses, comme son père" Patrick. On souhaite à Camille Lacourt, et à sa compagne Valérie Bègue, que les prochains mois, emportant les dommages de la loi du sport dans les bonheurs de la "vraie vie", soient aussi positifs que possible.
G.J.