Aussi sulfureux que fascinant et apprécié, JoeyStarr est un spectacle à lui tout seul. Homme à tout-faire, rappeur, acteur, papa, agitateur, grande gueule emplie de convictions, Didier Morville pourrait presque dire "j'ai su que je serai quelqu'un à partir du moment où j'ai parlé" qu'on ne saurait lui donner tort. Véritable personnage, il a commencé très tôt son apprentissage de la vie en terrain hostile. Dans une interview-portrait de Followed Magazine, il revient sur sa jeunesse, des premiers actes rebelles à NTM en passant par ses déboires avec la justice.
Évoquant sa famille, il confie avoir fugué pour son père – et non à cause de lui. Suivant la passion pour la musique de son paternel, Morville fils s'est échappé du domicile familial pour filer à Venise et danser. "J'avais réussi à chourer mon passeport dans un tiroir et je suis parti avec des potes blacks, tous mineurs, qui avaient les papiers de leurs cousins", raconte le phénomène du 93. Mais après le carnaval, Didier déchante, et comme nous le raconte Followed Magazine, il "se retrouve à donner des cours de stretching à des rombières milanaises" avant de se faire expulser d'Italie. Retour au point zéro où Morville père décide alors d'envoyer son fiston au service militaire, histoire de l'endurcir.
Adulte, Didier Morville se tourne vers le rap et forme avec une bande de potes le collectif 93 NTM. "Un truc de beuverie, et de graffiti surtout", explique celui qui devient alors JoeyStarr. "On avait un truc libertaire, à aller sur les toits, dans les catacombes. L'effet de groupe était ultraporteur." À l'époque, le rappeur débutant a conscience que son flow est "pourri", mais qu'importe, il vit. "93 NTM, c'était un bon groupe, d'une quarantaine de fouteurs de merde. Mais on faisait évidemment ça pour le kiff, on n'avait pas du tout saisi la portée du truc." Cette portée, c'est que NTM deviendra l'emblème de toute une génération, un groupe servant de bouclier pour une jeunesse protestante qui s'emporte contre les institutions françaises, notamment la police. "Quand on dit Nique la police, on s'en explique : ce ne sont pas les hommes qu'on vise, mais évidemment certaines facettes de l'institution", assure JoeyStarr.
Cible préférée des flics et de la justice pour certains, véritable symbole de liberté pour d'autres, le provocateur JoeyStarr brille autant sur scène et devant les tribunaux. Avec une pointe de rancune, il ne s'en cache pas. L'institution lui a souvent pourri la vie pour pas grand-chose. "Je ne vais pas jouer la victime, assure celui qui a été refoulé aux portes du Canada, où il est considéré comme un "grand criminel", mais quand j'ai pris de la prison ferme, il n'y aurait rien eu d'exceptionnel à me faire laisser assumer mes obligations professionnelles." Et d'expliquer : "Comme tout chef d'entreprise, j'ai sorti les chiffres des avances reçues des tourneurs, expliqué que j'allais être obligé de foutre des gens dehors, mais rien à faire. Aux yeux de la justice, ce que je fais n'est tout simplement pas un métier. "
Également acteur, JoeyStarr n'a pas tourné la page rap pour autant. Il évolue désormais à la tête d'un groupe qui réunit son ami d'enfance Nathy ainsi que les DJ Cut Killer et Pone. "C'était évident que je serai toujours dans le rap, que je n'arriverai pas à décrocher", assure-t-il, à 47 ans.