C'est le drame de sa vie. Icône de l'OM - ancien joueur et coach, désormais recruteur -, José Anigo a perdu son fils Adrien (30 ans), tué par balles en pleine rue à Marseille, en septembre 2013. Presque un an après le décès de son garçon "mi-ange mi-démon", le père de famille meurtri tente petit à petit de se reconstruire, loin de sa cité phocéenne tant adorée. Un combat pour oublier qu'il raconte longuement dans les pages du magazine Paris Match...
"J'ai échoué, je n'ai pas vu mon enfant sombrer"
José Anigo a tout fait. De son adolescence à sa mort, l'ex-coach de l'OM a pendant des années tenté d'extirper Adrien des griffes de la délinquance et du fameux Milieu marseillais. En vain. "Marseille dévore ses gosses, se lamente-t-il. J'ai eu beau déménager dans un quartier plus chic, à Valmante, avec ma nouvelle épouse, Adrien séchait les cours et partait rejoindre ses copains à Consolat." C'est en effet au collège dans cette zone sensible de Marseille que les mauvaises fréquentations ont commencé pour un jeune homme déjà fragilisé par le divorce "douloureux" de ses parents. "Je pense que sa mère lui manquait, je ne pouvais pas jouer les deux rôles", explique le père qui avait obtenu sa garde.
"Trop occupé" par son travail à l'OM, José Anigo assiste, impuissant, à la lente dérive de son fils vers la délinquance. "J'ai échoué quelque part, je n'ai pas vu mon enfant sombrer", constate-t-il. Du vol de scooters et de voitures, Adrien passe au braquage de bijouterie et donc par la case prison, un "choc insoutenable". Mais c'est déjà trop tard. Loin d'être dans le besoin mais "accro à l'adrénaline", son fils n'abandonne pas son style de vie. "Je devenais fou de rage. (...) Je lui disais : 'Qu'est-ce que tu veux ? Je t'offre tout !'", explique-t-il, assis sur le muret de son jardin où il a longtemps discuté avec lui pour le raisonner. "C'était un grand enfant. Il souriait, il me répondait : 'C'est ma vie, je l'ai choisie...'", ajoute l'ex-joueur.
"Il nous a manqué six mois pour le sauver"
Des années avant le drame, José Anigo le sait : cette histoire va mal se terminer. "Il n'avait pas encore 18 ans quand j'ai dit à ma femme : ''Un jour, la police va m'appeler pour me dire que mon fils est mort'", se souvient-il. Mais rien n'y fait pour Adrien qui continue de jouer avec le feu, quitte à se brûler les ailes. "Je pense qu'il savait qu'il allait mourir", estime son père.
En 2010, José Anigo croit pourtant que le combat est gagné. Sorti de prison après trois ans pour vice de procédure, Adrien semble être sur la voie de la rédemption. "En prison, il est devenu adulte, mur et réfléchi. Avec la volonté ferme de s'en sortir pour sa femme et ses deux enfants, de ne jamais retourner en cellule. (...) Je croyais à sa rédemption, (...) il a voulu quitter le milieu mais il n'a pas réalisé que c'était trop tard", rappelle-t-il, fataliste face à cette situation marseillaise où seule la fuite est possible car "il y a toujours quelqu'un du passé qui vous rattrape".
Adrien avait le projet de partir. Mais le temps a manqué. "Adrien voulait le faire, emmener sa famille loin d'ici, nous suivre au Maroc. Et recommencer une autre vie. C'était prévu en 2014. Mais il nous a manqué six mois pour le sauver", ajoute José Anigo. Le 5 septembre 2013, quand sa belle-fille l'appelle en larmes après l'annonce d'un règlement de comptes impliquant une Clio, la voiture d'Adrien, l'ex-coach de l'OM sait alors que ce jour terrible est arrivé. "Je n'arrivais même pas à pleurer mon enfant, vous vous rendez compte ?", s'étonne-t-il encore.
Quand José Anigo pense au suicide
Désormais, José Anigo apprend encore à vivre avec la douleur. Et l'ex-coach de l'OM s'accroche malgré les moments de déprime et les idées noires. "Lors d'un déplacement à Naples avec l'OM, en octobre dernier, j'ai songé à rejoindre Adrien. Nous étions sur la terrasse d'un grand hôtel et je regardais en bas, en pensant que c'était le bon endroit pour partir. J'ai senti ma vie tenir à un fil. Puis j'ai réalisé que je ne pouvais pas abandonner ma famille", confie celui qui est aussi père de deux filles de 13 et 17 ans.
Puisque, à Marseille, "tout (lui) rappelle Adrien" et que les résultats de l'OM, où certains supporters lui sont hostiles, n'arrangent rien, José Anigo a choisi de faire ses bagages pour Marrakech où il doit superviser des joueurs africains pour le club. Un véritable crève-coeur pour cet enfant de la cité phocéenne qui y reviendra au moins "pour y être enterré" avec son fils. José Anigo attend toutefois désormais des réponses à ses questions. Qui a tué son fils Adrien ? "Je ne peux pas vivre sans savoir qui l'a tué et pourquoi. (...) Je veux mettre un visage aux mains qui l'ont assassiné. Je ne trouverai pas la paix sans réponses à ces questions", assure-t-il, histoire d'enfin pouvoir faire le deuil. Car comme il le dit lui-même, "la vie est plus forte que la mort."