Sale temps pour les rois... Si la reine Elizabeth II jouit d'une cote et d'un moral au beau fixe après une année 2012 marquée par son jubilé de diamant et la grossesse de la duchesse de Cambridge, ses homologues étrangers, quoique ses cadets, ne peuvent pas revendiquer une telle forme.
Tandis que le roi Albert II de Belgique doit débuter 2013 dans un climat de défiance en raison d'un discours de voeux polémique et de l'augmentation à contre-courant du montant de la liste civile dont il dispose, le roi Juan Carlos Ier d'Espagne enregistre un recul sans précédent de sa cote de popularité, faisant les frais de son année catastrophique, à seulement 50,1% d'opinions favorables contre 76,4% un an plus tôt.
A deux jours de son 75e anniversaire, qui sera célébré samedi, le roi Juan Carlos voit seulement 6,6% des 1 000 personnes sondées par l'institut Sigma Dos entre le 21 et le 28 décembre plébisciter son année 2012 d'une "très bonne" appréciation, comme le révèle se sondage publié dans le grand quotidien El Mundo. Les sondés sont 43,5% à se contenter d'une mention "bien". L'autre moitié est désapprobatrice. Le soutien à la monarchie tombe à un minimum historique de 54% ; pire encore, 57,8% des jeunes de 18 à 29 ans - qui n'ont donc pas vécu la fameuse transition démocratique - sont défavorables au régime monarchique actuel.
Vendredi soir, veille de son anniversaire, le monarque interviendra lors d'un entretien exceptionnel accordé à la chaîne de télévision publique TVE, qui apparaît déjà comme une opération reconquête, après une année catastrophique émaillée de divers scandales (sa chasse secrète au Botswana, la mise en examen de son gendre, les escapades coûteuses en chirurgie esthétique de sa belle-fille Letizia...). Après, aussi, un discours de Noël qui a provoqué des réactions houleuses, en raison notamment de sa coloration parfois politique, notamment lorsque le roi a appelé les dirigeants du pays à mener une politique de "respect de la diversité et d'union plutôt que de division" - une apparente réponse à la pression séparatiste de la Catalogne.
En effet, malgré sa sanction et sa réaction précoces, en décembre 2011, au scandale de l'Instituto Noos impliquant son gendre Iñaki Urdangarin, époux de l'infante Cristina, puis ses voeux galvanisants pour débuter 2012, le monarque paye la note pour les écarts de comportement de la famille royale, à commencer par les siens : au mois d'avril, son rapatriement et son hospitalisation en urgence pour une opération de la hanche consécutive à un accident de chasse portait à la connaissance du public son escapade privée pour traquer l'éléphant au Botswana, à une heure où l'Espagne s'étranglait d'inquiétude et de morosité, durement touchée par la crise de la dette. Figure historiquement adulée au physique de roc, Juan Carlos Ier tombait de son piédestal, perdant d'un seul coup le bénéfice de sa condition physique imposante et de son aura de leader intègre (en dépit des multiples rumeurs, d'adultère et autres, qui ont jalonné son règne). Dans un pays où l'on dit souvent que le peuple est bien plus "juancarliste" que royaliste, en allusion à sa loyauté à cette figure qui a introduit la démocratie après la dictature de Franco, c'était une véritable trahison. Et si, après les menues excuses - une première historique ! - du roi, il a semblé que la plupart de l'opinion avait décidé de lui pardonner, on ne peut que juger que le mal était fait...
Il n'a sans doute pas suffi du seul scandale du Botswana pour entraîner une telle désaffection. Le déclin physique du roi pèse aussi dans la balance : perçu auparavant comme un roc inébranlable et un athlète plein de superbe, Juan Carlos Ier inquiète régulièrement ces dernières années, et sa dernière opération de la hanche en date, en fin d'année 2012, est venue entretenir cette impression d'un roi vieillissant qui a prononcé son discours de Noël debout certes, mais en appui contre son bureau.
Le scandale Noos, aussi, a inévitablement joué dans le désamour cinglant que subit la famille royale. Bien que le roi ait rapidement banni des activités royales son gendre Iñaki Urdangarin, mouillé dans une vaste affaire de détournement de fonds (5,8 millions d'euros) qui l'a obligé à revenir vivre en Espagne à la rentrée dernière pour affronter en 2013 un procès à gros risques, l'opinion manifeste sans doute par ce désaveu son dégoût pour cette affaire de corruption alors que l'argent manque à tous les niveaux. D'autant que le roi n'ignorait peut-être pas tout des agissements du mari de Cristina...