Après les scénaristes, c'est au tour des actrices d'être mises en lumière par les annuelles tables rondes organisées par The Hollywood Reporter. Lesquelles nous donnent un ordre d'idée sur les visages que l'on retrouvera durant la saison des récompenses qui vient de commencer. Et si Sandra Bullock (Gravity) manquait à l'appel, on peut déjà miser sur les six personnes que le magazine américain a conviées pour une discussion fort intéressante. Oprah Winfrey, attendue pour sa prestation émouvante dans Le Majordome, était au côté de l'élégante Emma Thompson (Dans l'ombre de Mary), Octavia Spencer (Fruitvale Station), Julia Roberts (Un été à Osage County), Amy Adams (American Hustle) et la révélation Lupita Nyong'o (12 Years a Slave).
Oprah Winfrey, terrifiée devant Spielberg
Au cours de la discussion, les actrices ont révélé les souvenirs marquants de leurs carrières. L'un des plus beaux, et assurément fondateurs, fut celui d'Oprah Winfrey pour La Couleur pourpre (1985). La future animatrice, aujourd'hui star du petit écran aux États-Unis, débutait alors au cinéma devant la caméra de Steven Spielberg. En femme révoltée, Oprah Winfrey glanera l'année suivante une citation pour l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Mais tout n'a pas été aussi rose - ou pourpre - pour l'actrice, qui évoque avec humour et émotion son arrivée sur le plateau de l'exigeant réalisateur. "Je ne connaissais rien au cinéma, se souvient-elle. Donc j'ai avancé sur le plateau – première scène, premier jour, Steven Spielberg – et j'ai regardé directement la caméra, car c'est ce qu'on fait à la télévision, en disant 'comment ça va, Miss Celie' et il hurla 'Coupez ! Coupez ! Coupez ! Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ?', je me tenais là, je tremblais, 'Où regardes-tu?' et moi 'je regarde la caméra'. Il répondit : 'Miss Celie est juste là !'. J'étais pétrifiée."
Oprah Winfrey poursuit en racontant comment elle resta bloquée lors d'une scène où son personnage devait pleurer. Le soir venu, c'est Adolph Ceasar qui la réconforta et lui offrit alors le meilleur conseil selon elle. "Cette nuit-là, j'étais dans ma chambre de motel, en pleurant. Adolph Ceaser m'entendait de l'autre côté du mur. Il vint, et frappa à ma porte, en disant : 'C'est quoi ce foutu bruit ?' Il me donna la meilleure leçon d'acting. 'Tu dois apprendre à te donner à ton personnage. Laisse le personnage prendre le contrôle. Et si elle veut pleurer, elle pleurera, et si non, pas même Steven Spielberg ne pourra le faire", se souvient-elle.
Actrice = prostituée
Amy Adams se souvient également de sa collaboration avec le metteur scène nommé l'an dernier à l'Oscar du meilleur réalisateur pour Lincoln. "J'étais incapable de pleurer – moi aussi – dans Attrape-moi si tu peux, et avec beaucoup de sensibilité, il est venu me voir, en me disant : 'Peux-tu fermer les yeux pour moi ? Pense à Brenda, pense à combien elle aime et ce qu'elle a à donner'. J'ai rouvert les yeux, et il dit, 'Laisse aller et dirige-toi avec cela'," se souvient la comédienne qui électrise le film American Hustle, de David O. Russell, avec Christian Bale. Ce à quoi lui Oprah Winfrey répond immédiatement avec humour : "Oh, je pourrais pleurer là, maintenant."
Être actrice, c'est donc un engagement, avant d'être une vocation. Pourtant, Lupita Nyong'o expliquera en toute fin de discussion que son désir d'actrice a été éveillée par la découverte du larmoyant film La Couleur pourpre. De son côté, Emma Thompson évoque un tout autre souvenir de jeunesse, relatif à son futur métier. "Mon père s'est marié avec ma mère (l'actrice Phyllida Law), et ma grand-mère s'est enfermée dans les toilettes pendant plusieurs jours pour ne pas la voir, parce que 'actrice' était toujours synonyme de 'prostituée'", raconte-t-elle.
Les enfants sinon rien
Pour Julia Roberts, sa vie d'actrice se combine désormais à celle de mère. Elle qui "travaillait depuis dix-huit ans quand [elle a] rencontré Hazel et Finn il y a de cela neuf ans environ" assure à ses complices qu'elle a constamment travaillé pour ses enfants, et aussi avec ses enfants. Un fait "toujours important, mais qui fait prendre les choses en considération". "Mais Un été à Osage County fut une première pour moi où j'ai vraiment quitté ma famille pour travailler. J'en avais presque mal au coeur rien qu'à l'idée. Je n'ai jamais été éloignée de mes enfants", dit la star de Pretty Woman, dont le retour sur la scène publique de son beau-père pourrait ressasser quelques souvenirs plus douloureux.
Plus tard, Julia Roberts revient sur ses enfants et son retour au travail après les avoir eus. "La première fois que j'ai retravaillé après avoir eu Finn et Hazel était sur une pièce [Three Days of Rain, à Broadway, NDLR], pendant quatre mois. Ils avaient un 1 et demi et avaient un petit espace dans le théâtre pour jouer, et le fils de Paul Rudd était à peine plus âgé qu'eux. Ça semblait parfait", évoque l'actrice qui révèle également vouloir jouer lorsqu'elle raconte les histoires du soir avant de s'endormir. "Mais mes enfants disent toujours, 'fais juste ta voix de maman'", lâche-t-elle avec le sourire.