Le directeur artistique de Fendi, de sa propre marque et, bien entendu, de la maison de haute couture Chanel, a accepté de poser son regard unique sur l'actualité du 22 juin 2010. Dans la grande interview qui lui est consacrée en ouverture, Lagerfeld explique pourquoi il a accepté. Pour lui, "lire est la chose la plus luxueuse" de sa vie. Chaque matin, très tôt, il dévore les quotidiens en français, anglais et allemand : "Je déteste ne pas être informé", dit-il. "Le monde pourrait s'écrouler, je lirais quand même les journaux (...) Et chaque langue, forcément, m'apporte un regard différent au monde."
Il évoque avec légèreté la Légion d'honneur qu'il vient de recevoir : "J'ai toujours refusé les distinctions, mais là on m'a dit que ça venait du Président lui-même, que ça aurait été une insulte à la République que de décliner." Soit ! Karl nous donne alors une information encore plus savoureuse, l'air de rien : "En fait, Carla essaie de me rabibocher avec Frédéric Mitterrand, que je n'aime pas du tout. Je connais Carla depuis qu'elle a débuté, cela fait vingt ans. Elle est assez drôle, elle parle beaucoup, elle s'ennuie beaucoup."
Karl Lagerfeld cite aussi bien Mauriac que Lily Allen. Il adore Tenderoni - le premier single solo - de Kele, chanteur de Bloc Party (à découvrir ci-dessus). Il adorerait réaliser un long métrage - il vient de montrer son quatrième court, Remember Now - mais ne voit presque jamais de films. On les lui raconte. Et puis un film, c'est trop de travail, il y a déjà Chanel. Avec la maison de couture, il évoque un "contrat moral" qui va au de-là de l'aspect financier.
Pour Libération, il illustre de ses dessins l'actualité. Pour la Coupe du Monde, il s'en est donné à coeur joie, représentant la tête de Raymond Domenech ensanglantée, posée sur le trophée. Sous-titre : "Une spécialité française." Ou alors quand il représente la tête vide d'Anelka, le cerveau remplacé par un ballon. Ou bien Cristiano Ronaldo, dans le plus simple appareil... Il est vrai que l'ambassadeur d'Armani Underwear est aussi footballeur.
Lagerfeld croque l'imbroglio politico-financier de Liliane Bettencourt, Angela Merkel et Martine Aubry, Jérôme Kerviel et, quelques pages plus loin, une cagole marseillaise.
Enfin, au détour d'une page, au format élancé pour l'occasion, Karl Lagerfed dévoile le décor du prochain défilé haute couture Chanel : "On aura un lion gigantesque, 25 mètres de haut, la patte posée sur une perle, et les mannequins sortiront de la perle... C'est amusant." Rendez-vous le 6 juillet au Grand Palais. Tant pis pour l'effet de surprise.
Vous l'aurez compris, ce numéro de Libération est un collector. À s'arracher dans tous les kiosques.