A quelques jours de l'ouverture à Nanterre d'un procès qui s'annonce aussi sulfureux que le feuilleton qui le précéda, l'affaire Bettencourt est agitée de soubresauts au parfum de scandale.
Ce mercredi 16 juin 2010, le site Mediapart divulguait l'existence d'enregistrements secrets effectués par le maître d'hôtel de Liliane Bettencourt, en conflit depuis de longs mois avec sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, laquelle estime que sa mère, victime d'une supposée fragilité psychologique, dilapide sa fortune, proie facile des sollicitations de son entourage proche. La fille Bettencourt, après bien des péripéties, avait finalement obtenu du tribunal en décembre dernier que le photographe François-Marie Banier , ami depuis quarante ans de la femme la plus riche de France et bénéficiaire de près d'un milliard d'euros de dons et cadeaux de toutes sortes octroyés par elle au cours des dix dernières années, soit jugé pour abus de faiblesse à partir du 1er juillet.
Réalisés à l'hôtel particulier de Liliane Bettencourt à Neuilly entre mai 2009 et mai 2010, ces enregistrements secrets des conversations entre la milliardaire et ses proches conseillers (spécifiquement son homme "de main" Patrice de Maistre) se sont répandus comme une traînée de poudre, relayés notamment par Le Point, qui doit en produire de larges extraits et analyses dans son édition du jeudi 17 juin, et par Rue 89 : outre la fébrilité psychologique d'une "vieille dame (...) cernée par les solliciteurs" et incapable de leur refuser quoi que ce soit, les bandes semblent mettre en évidence des opérations financières destinées à échapper au fisc, mais également incriminer de haut fonctionnaires... jusqu'au sommet de l'Elysée !
Ces écoutes secrètes, qu'il avait pris l'initiative de réaliser pour "se défendre", le maître d'hôtel de Liliane Bettencourt les avaient "spontanément" transmises, parlant d'un "devoir envers la famille", à Françoise Bettencourt-Meyers, laquelle les avait remises à la brigade financière.
Mais, comme c'était à prévoir et comme nous le pressentions, le moyen d'obtention de ces informations, qui a fait enrager la défense de Liliane Bettencourt, est dans le collimateur de la justice, qui a ouvert une enquête préliminaire pour "atteinte à la vie privée".
Les conséquences ont été fulgurantes : le maître d'hôtel, qui est resté douze ans au service de sa patronne, a été interrogé et placé en garde à vue ce mercredi dans les locaux de la police financière parisienne, selon le point.fr, qui indique par ailleurs que la fille de Liliane Bettencourt a elle-même été interrogée mardi à son domicile de Neuilly.
L'avocat du maître d'hôtel, Me Gillot, a été très clair, puisque, sans contester l'illégalité du procédé, il a tenu à nuancer : "Mon client n'a agi sur l'ordre de personne ; il n'est pas en service commandé et n'a touché d'argent de personne pour ces enregistrements. Il n'ignore pas que ce qu'il a fait est juridiquement contestable. Est-ce moralement discutable ? Il a considéré que le contenu des conversations qu'il a surprises devait être porté à la connaissance de Françoise Bettencourt, car la manipulation dont sa mère est la victime consiste notamment à la monter contre elle. Le contenu des enregistrements montrera qu'il a bien fait, et qu'il n'a aucune leçon à recevoir de ceux qui abusent depuis des années de l'évidente faiblesse de Liliane Bettencourt."