En pleine Katemania, elle s'était signalée en massacrant la duchesse de Cambridge, réduite à "un vagin royal" et "une poupée en plastique insipide". Quatre ans plus tard, l'auteure anglaise Hilary Mantel n'y va pas avec beaucoup plus de tact à l'endroit de Lady Di alors qu'a ressurgi la Dianamania...
À quelques jours du 20e anniversaire de la mort tragique de la princesse de Galles, commémoré ce 31 août 2017 avec une douleur toujours présente, l'écrivain anglais de 65 ans signait ainsi dans le quotidien The Guardian un billet acéré, stigmatisant le fossé entre la personne de son vivant et le mythe construit après sa mort par l'opinion publique, une création "qui n'est que très librement inspirée par la jeune femme née Diana Spencer".
"Diana devrait appartenir au passé autant que les plumes d'autruche, Wallis Simpson ou la dernière tsarine", commence par écrire Hilary Mantel, constatant que du temps à passer, que son veuf – le prince Charles – s'est remarié de longue date et que son fils aîné – le prince William –, qui lui ressemblait tant étant plus jeune, paraît maintenant s'inspirer plus de son grand-père le duc d'Edimbourg. Pourtant, "on continue à cancaner" sur le destin de la princesse, complice ou victime de ses malheurs, observe-t-elle tout en jetant un regard acerbe aux manifestations de "l'hystérie de masse" – fleurs, ours en peluches, etc. – que suscite toujours ce mythe façonné selon elle par l'opinion.
Piquer une crise lorsqu'on est contrariée ne fait pas de vous un esprit libre
Face aux documentaires événements, dont certains incluant des témoignages des princes William et Harry, qui ont investi les écrans britanniques ces dernières semaines, la double lauréate du Booker Prize (pour les romans historiques Wolf Hall et Bring Up the Bodies) s'agace : les cassettes secrètes enregistrées par son professeur de diction et diffusées dans le documentaire Diana: In Her Own Words étaient censées montrer une princesse "candide" et "sans tabou"... "Et pourtant, jamais elle n'est apparue aussi gênée et récalcitrante, objecte Mantel. En se tortillant, pleine de tics, fuyant la caméra, elle se décrit comme une rebelle au motif qu'elle aime faire l'inverse de tout le monde. (...) Mais c'est de la réaction, pas de la rébellion. Piquer une crise lorsqu'on est contrariée ne fait pas de vous un esprit libre. Lever les yeux au ciel et hausser les épaules ne prouve pas que vous êtes courageuse. Et ce n'est pas parce que les gens vous disent 'faites moi confiance' qu'ils vont garder vos secrets."
Pour l'écrivain, qui voit les figures royales évoluer dans un "royaume mystique" et incapables d'être en prise avec la réalité du commun des mortels, le mythe Diana est notamment né d'un besoin populaire, celui d'une figure féminine porteuse d'affection, à l'inverse des leaders féminines existantes, "vieilles et dont les placards étaient vides d'amour et de nourriture" à une époque où la nation affichait une physionomie extrêmement sévère : "une reine qui, même à la mort de Diana, était peu encline à descendre du nord glacial [Balmoral, ndlr], et un Premier ministre anciennement connu sous le nom de Maggie Thatcher, Milk Snatcher [surnom hérité d'un grand scandale, lorsqu'elle avait supprimé le lait gratuit des écoles pour faire des coupes budgétaires, ndlr]."
Diana, elle, incarnait "l'amour conjugal et maternel" et a comblé un manque, devenant une invention "guère sans rapport avec la moindre personne réelle". Une des raisons pour lesquelles il semble impossible d'écrire sur elle ou de parler d'elle sans "expliquer et enjoliver le mythe".