La punk attitude a ses limites. Irrésistiblement allumés dans Le Grand soir de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Albert Dupontel et Benoît Poelvoorde n'étaient pas loin des étincelles lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois.
Interrogé dans le premier numéro de SoFilm avec son acolyte, Benoît Delépine revient sur le premier contact détonant entre les deux acteurs : "La rencontre entre Albert et Benoît s'est très mal passée. Benoît a fait le con, il s'est bourré la gueule. On l'a regardé péter un plomb tout seul devant Albert, qui est resté silencieux. Mais le lendemain, Albert a dit : 'Je vais lui coller mon poing sur la gueule au bout de deux jours et ça ma ve retomber dessus en plus. Donc, je préfère pas.' Benoît a répondu : 'Si on ne peut même plus se prendre une cuite sans conséquences, je ne préfère pas non plus.' On a essayé de les ramener, en vain. On s'est alors demandé qui pourrait les remplacer ; le scénario avait été écrit pour eux..."
Dans l'impasse, Kervern et Delépine évoquent François Cluzet et Vincent Lindon, avant que Dupontel ne les rappelle : "Après avoir refusé de nombreux scénarios pendant six mois, il a relu le nôtre : 'J'y retourne, même gratuitement. Même avec Benoît. Je prendrai sur moi.' Mais Benoît ne voulait plus, parce qu'il était parti sur un autre film. (...) Puis Gus et moi, sans nous concerter, on lui a écrit un message personnel. J'ai gardé le SMS qu'il nous a envoyé le lendemain, qui dit simplement 'Je fais votre film'."
À une condition : contrôler les excès de Poelvoorde, pour le bien du film. "On savait que l'alcool serait l'ennemi, le gros problème potentiel. (...) Albert n'aurait pas supporté que Benoît soit bourré. Lui ne boit pas du tout, c'est Coca Zero. (...) Du coup, personne n'a picolé sur le tournage. La bière qu'on voit à l'écran est fausse. Il le fallait parce que... lorsque Benoît allume la mèche, c'est terminé." Tout est bien qui finit bien puisque les deux acteurs sont finalement devenus amis, notamment grâce à leur opinion sur le cinéma, qui les déçoit beaucoup.
L'autre wild card du Grand soir était l'incroyable Brigitte Fontaine, qui incarne la mère des héros : "Elle a d'abord refusé : 'Je ne veux pas jouer la mère, je veux jouer une sorcière qui fume dans la forêt bretonne, c'est tout.' Dès le lendemain, on lui a renvoyé le scénario en remplaçant toutes les occurrences de 'la mère' par 'une sorcière qui fume dans une forêt bretonne.' (...) Deux jours plus tard, elle nous répond : 'Formidaaaaable !' Pendant tout le film, elle répétait : 'Mais je ne suis pas leur mère !'." Une personnalité à part qui n'a pas véritablement perturbé ce duo de cinéastes peu ordinaire : "Un réalisateur normal serait devenu fou. elle ne voulait pas qu'on la filme de profil. Benoît et Albert avaient peur. Une furie ! Ils logaient dans le même hôtel. Tous les matins, Albert lui disait bonjour et elle, tous les matins, pas un mot. (...) Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'impression de travailler avec une star." De quoi clore en beauté un trio de comédiens pas comme les autres, réunis pour un film légèrement siphonné.
Le Grand soir, actuellement en salles.
Retrouvez l'interview de Kervern et Delépine dans SoFilm, en kiosques.