Il y a pour quelques jours un sérieux supplément d'effervescence autour de chaque mission de Felipe et Letizia d'Espagne, futur couple royal, et de Juan Carlos Ier, monarque au bord de la retraite. Dès lors que le processus initié lundi 2 juin par la déclaration d'abdication du roi Juan Carlos Ier arrivera à son terme, lorsque les députés auront voté la proposition de loi (déjà approuvée par le Conseil des ministres) entérinant la fin du règne de l'actuel souverain, le pays sera prêt pour le couronnement de son héritier. Et pour l'avènement d'une nouvelle reine.
En attendant les cérémonies du couronnement du roi Felipe VI, qui devraient a priori avoir lieu dans les deux prochaines semaines, la vie royale continue comme avant. Presque comme avant. Juan Carlos et son fils et successeur ont ainsi assisté ensemble - le premier en tant que roi, le second en tant qu'héritier, dans son sillage - aux cérémonies du bicentenaire de l'ordre royal et militaire de San Hermenegildo au monastère de San Lorenzo de El Escorial, mardi à Madrid, au lendemain de l'allocution émue du monarque. Et le jour suivant, chacun était en mission de son côté, célébré comme il se doit.
Icône de la démocratie écornée par les scandales des récentes années et par une santé déclinante, Juan Carlos Ier, déjà sous le feu roulant des photographes mardi et presque surpris par un tel engouement, inhabituel, lors d'une audience à la Zarzuela, a suscité une attention particulière mercredi alors qu'il décernait au palais du Pardo le premier prix Royaume d'Espagne récompensant un parcours entrepreneurial - en l'occurrence, celui d'Enrique de Sendagorta Aramburu, fondateur et président d'honneur de SENER. "Au cours de mon règne, je me suis efforcé de soutenir les progrès économiques de notre pays, et de promouvoir l'esprit d'entreprise en vue du bien commun et de l'intérêt public ; aujourd'hui, je forme le voeu que ce prix se consolide lors des prochaines éditions", a-t-il seulement déclaré en référence à son départ prochain du trône. Dans la soirée, il a reçu une ovation bruyante aux arènes Las Ventas de Madrid, où il présidait la Feria de Isidro.
Le prince Felipe déjà prêt pour son nouveau costume
Le prince Felipe, lui, était en déplacement en Navarre avec son épouse pour la remise du prix Prince de Viana de la Culture au monastère de San Salvador de Leyre. L'historien Tarcisio de Azcona, lauréat de cette distinction créée en hommage aux rois de Navarre, était bien le héros du jour, mais le prince et la princesse des Asturies lui ont malgré eux un peu volé la vedette. Le discours de l'héritier du trône, sous le regard de la belle Letizia (habillée comme régulièrement d'un gilet rose - comme quoi, le changement, c'est pas encore maintenant !), a en effet fait le lien entre l'événement du jour et la mission cruciale qui l'attend : s'il n'a pas manqué de féliciter Tarcisio de Azcona pour sa "grande contribution à une meilleure compréhension de l'histoire de la Navarre et de l'ensemble de l'Espagne" au cours d'une "longue et fructueuse carrière", il a indiqué en "ce jour spécial" vouloir "dédier toutes [s]es forces, avec espoir et enthousiasme, à la tâche passionnante de continuer à servir les Espagnols, [leur] Espagne bien-aimée". Puis, reprenant des thèmes et des termes récurrents dans ses prises de paroles, le souverain en devenir a expliqué : "En période de difficultés, l'expérience du passé, ancrée dans l'Histoire, nous apprend que c'est en unissant nos efforts, en plaçant le bien commun au-dessus des intérêts personnels, et en encourageant l'initiative, la recherche et la créativité de chacun qu'on peut réaliser des progrès. (...) Il faut s'engager résolument dans l'avenir et élargir le champ de l'espérance qui est devant nous." Des propos qui sonnaient comme des prémices du discours fondateur que Felipe VI prononcera bientôt en acceptant sa tâche...
Une tâche qui s'annonce ardue dans un pays de tradition plus "juancarliste" (un attachement fort au roi Juan Carlos, dépositaire de la démocratie après la dictature de Franco) que royaliste, mais que le prince des Asturies devrait aborder avec un capital confiance important, fruit de son activité irréprochable en tant qu'héritier. Sa tante l'infante Pilar de Bourbon a d'ailleurs confié mardi que son neveu était "divinement préparé" à endosser ce rôle, confortant les propos du roi sur la "maturité" de son fils. La soeur de Juan Carlos a été la seule de la sphère royale à s'exprimer sur l'annonce de l'abdication, tandis que la reine Sofia se trouvait à New York en mission pour l'Unicef, que l'infante Elena était en Équateur pour visiter des programmes de coopération sociale de la Fondation Mapfre, et que l'infante Cristina continuait sa vie à Genève, dans l'attente du procès qui les menace, son mari et elle, dans le cadre des détournements de fonds de l'Instituto Noos.
Felipe et Letizia continuaient ce jeudi 5 juin sur leur lancée avec la remise de la partie espagnole des Prix Européens de l'Environnement en entreprise. La protection de la nature, un autre enjeu d'avenir auquel il sera confronté.