La monarchie espagnole est dans la panade. Exposée à la vindicte populaire comme jamais. Pour la première fois en trente-six ans de règne, le roi Juan Carlos Ier d'Espagne, 74 ans, s'est senti obligé de présenter des excuses, quatre mois après avoir de manière inédite publié les comptes de la famille royale pour tenter de détourner l'attention du scandale Noos - pour lequel son gendre Iñaki Urdangarin attend d'être inculpé par le tribunal de Palma de Majorque. Et, comme toujours, le prince héritier Felipe et la princesse Letizia, impeccables, sauvent les apparences.
Au moment de quitter cette semaine l'hôpital San José de Madrid sous l'oeil des médias, après y avoir subi une opération de la hanche droite rendue nécessaire par l'accident dont il a été victime le 14 avril 2012 lors d'une coûteuse chasse à l'éléphant au Botswana qui a révolté l'opinion publique (d'autant que le monarque était en état de récidive), Juan Carlos Ier a lâché onze mots pour exprimer son remords : "Je suis désolé, j'ai commis une erreur, cela ne se reproduira pas." Un mea culpa inattendu mais bienvenu qui lui a valu une certaine forme d'admiration de la part de médias qui l'ont toujours ménagé (et n'ont d'ailleurs pas trop évoqué le retour en force de l'histoire de sa liaison avec la princesse Corinna de Wittgenstein-Sayn, 47 ans, dans les tabloïds allemands) et a permis d'éviter que la situation se détériore gravement, mais qui ne change pas grand-chose à l'affaire, au vu de l'accumulation récente de casseroles : une biographie sulfureuse d'une journaliste jadis plutôt acquise à la cause des têtes couronnées de la péninsule et décrivant le "calvaire" et l'abnégation, pour le bien du royaume, de la reine Sofia ; le scandale Noos ; l'accident de tir de son petit-fils de 13 ans Felipe ; le voyage privé au Botswana pour tuer des éléphants moyennant plusieurs dizaines de milliers d'euros à l'heure où l'Espagne, exsangue, compte pas loin de 5 millions de chômeurs et une jeunesse quasiment pour moitié désoeuvrée... Si bien que les journaux nationaux osent, là encore de manière inédite et alors que le sentiment républicain prend de l'ampleur, parler d'abdication.
Comme à chacune des crises de ces derniers mois perturbés, tout le poids de la Couronne semble reposer sur les épaules de l'héritier, le prince Felipe, 44 ans, très estimé pour son zèle discret et appelé un jour à régner sous le nom de Felipe VI. A moins que son avenir sur le trône, dans ce royaume plus "juancarliste" que royaliste, soit hypothéqué par les récentes erreurs commises au sein de la famille royale - à la suite du scandale Noos, la cote de popularité de la monarchie a atteint son plus bas niveau depuis la fin du régime de Franco et la transition démocratique opérée par Juan Carlos.
Malgré ce contexte difficile, et tandis que l'infante Elena continue elle aussi à aider du mieux qu'elle peut après un début d'année éprouvant (elle inaugurait le 19 la première édition des Nuits paralympiques), Felipe est apparu rayonnant vendredi 20 avril au palais royal, à Madrid, bien aidé par son élégante épouse Letizia, à l'occasion du déjeuner précédant la cérémonie de remise du Prix Cervantes 2011. Son lauréat, le poète - ou plutôt "l'anti-poète" - chilien Nicanor Parra, âgé de 97 ans, le recevra le 23 avril à l'Université d'Alcala. Dans le début de son allocution avant de passer à table, le prince des Asturies a demandé aux convives d'excuser l'absence du roi et de la reine, hôtes habituels de l'événement, en raison de "circonstances particulières et exceptionnelles que tout le monde connaît". Après avoir illuminé la semaine dans un tailleur blanc pour la remise des Prix 2012 du Club international de la presse le 18 avril, Letizia d'Espagne répandait cette fois son charme dans une coquette robe framboise bien ajustée, donnant à voir sa silhouette très mince.
Le prince et la princesse des Asturies ont été accueillis par la fille et le petit-fils de l'auteur sud-américain, Colombina Parra et Cristobal Ugarte Parra. Parmi les invités de marque de ce déjeuner se trouvait notamment Mario Vargas Llosa, écrivain et homme politique péruvien très influent, récipiendaire du Nobel de littérature en 2010 et ancien lauréat du Prix Cervantes, en 1994. Le roi Juan Carlos Ier l'avait fait marquis en 2010.