Vivre dans un 300 mètres carrés en plein coeur de Paris, voilà une enfance qui pourrait être qualifiée de dorée. Pourtant, celle de Mazarine Pingeot peut d'abord être décrite comme complexe. Non pas en raison de ce cadre somptueux mais le contexte n'a rien d'évident. Née en 1974, elle a vécu 20 ans dans la clandestinité, celle d'avoir été la fille illégitime du président de la République François Mitterrand. Une vie secrète à l'Alma, précisément dans un appartement de fonction situé dans le palais national de la République française, situé dans le 7e arrondissement de Paris, qui est au coeur de son dernier livre, 11 quai Branly (éditions Flammarion) et évoquée dans les pages du supplément Week-end du Parisien.
De 9 à 16 ans, Mazarine Pingeot, fille que l'homme politique décédé en 1996 a eu avec l'historienne de l'art et conservatrice Anne Pingeot, a vécu au quai Branly dans un appartement qu'elle décrit comme grand et glacial. Au milieu de l'adolescence, elle n'en peut plus et préfère s'installer dans le deux pièces de sa mère, rue Jacob dans le 6e arrondissement. Un lieu étroit mais qu'elle qualifie de cocon et où elle avait déjà vécu toute petite. Là-bas, elle a pu retrouver un peu de son identité, se comparant avant comme à des espions qui ont une double vie, sauf qu'elle, elle n'a pas eu le choix : "J'ai eu une vie empêchée."
Quand Mazarine Pingeot quitte l'Alma à 16 ans, elle est dans un état psychologique très compliqué, en dépression. Dans Paris Match, la professeure agrégée de philosophie expliquait : "Je n'avais plus de désir. Je suis déterminée et je m'en suis remise à ma volonté qui ne pouvait plus rien pour moi. J'étais vide. Le lien émotionnel aux choses était coupé. J'étais comme anesthésiée. La psychanalyse m'a apporté un détricotage. Une clairvoyance sur certains aspects de ma vie et une aide pour me sentir moins coupable. J'éprouvais une culpabilité excessive et j'avais peur de faire du mal aux autres. J'ai appris à prendre des décisions importantes pour moi."
Toutefois, Mazarine Pingeot tient à préciser que la situation est difficile mais pas le lien avec ses parents : "Je ne pouvais plus rester. J'adorais mes parents et je n'ai jamais rien fait contre eux, mais il n'y avait pas d'autre solution. Je suis cérébrale mais j'étais, à l'époque, incapable de penser ce que je faisais. Je suis partie parce que j'avais l'impression que j'allais crever. J'ai répondu à l'appel du vivant."
La femme de lettres, mère de trois enfants et mariée en 2014 au diplomate Didier Le Bret, regarde cette vie avec un recul élégant et passionnant, qui a obtenu en 2016 le changement de son nom en "Mitterrand Pingeot". Partageant avec le public des morceaux de cette vie qui a éclaté au grand jour en 1994 et qui n'a cessé de fasciner.