![Anne et Mazarine Pingeot lors des funérailles de François Mitterrand en janvier 1996](https://static1.purepeople.com/articles/5/13/79/95/@/1410394-anne-et-mazarine-pingeot-lors-des-580x0-5.jpg)
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C'était l'un des secrets d'État les mieux gardés de la Ve République. En novembre 1994, après presque deux septennats de rumeurs, tout un pays découvre enfin le visage de Mazarine, la fille cachée du président François Mitterrand. Mais alors que la jeune femme est depuis devenue un personnage public, qu'en est-il de sa maman, Anne Pingeot ? Fuyant caméras et photographes depuis toujours, l'ex-maîtresse du défunt président est restée un personnage secret et parfois oublié dans l'ombre de la République. De Clermont-Ferrand aux arcanes du pouvoir, un livre se charge donc, vingt ans après la levée du secret, de retracer le destin de ce personnage : La Captive de Mitterrand (Stock), signé David Le Bailly et sorti le 12 mars, dont Paris Match et Le Point viennent de dévoiler quelques extraits...
Un coup de foudre en 1960
Marié depuis 1944 à Danielle et père de deux enfants, François Mitterrand va pourtant avoir un coup de foudre. En 1960, celui qui est alors sénateur et ex-ministre de la Justice tombe sous le charme d'une sage et jolie brune de 19 ans : Anne Pingeot. Une demoiselle qui ne lui est pas étrangère puisqu'elle est la fille d'un couple d'amis et qu'il a l'habitude de croiser sa frêle silhouette durant ses vacances d'été sur la côte Basque, à Hossegor. Malgré les vingt-sept ans qui les séparent, Anne Pingeot va se laisser séduire par ce charmeur de François Mitterrand, dont elle admire la culture et le charisme déjà unanimement reconnu. Tous deux se revoient alors à Paris et ne se quitteront plus.
Cecchino et le secret d'une jalousie
Le divorce ? Il n'en est pas question pour François Mitterrand, ni pour Danielle, bien au courant de ce qui se trame. Pour garder celui qu'elle surnomme Cecchino - "petit François" en italien -, Anne Pingeot doit donc rester à distance du futur président. C'est là qu'elle attrape la "maladie du secret" selon David Le Bailly. Elle emménage rue du Cherche-Midi dans un gynécée aux côtés de sa soeur Martine et de quatre copines, rapidement au courant qu'elle vit une histoire d'amour cachée avec un personnage public. La jeune étudiante en art doit alors accepter les jalousies de son amoureux, qui lui interdit de voir des garçons de son âge, et s'attire ainsi les foudres de ses copines. Mais encore une fois, l'amour l'emporte et elle accepte.
Et Danielle Mitterrand dans tout ça ? Dès le début de leur idylle, elle a découvert le pot-aux-roses. "C'est elle ou moi !", menace-t-elle après avoir appris l'existence de cette maîtresse qui avait eu l'audace de venir boire le thé dans leur appartement parisien. Le futur président hésite alors à refaire sa vie, mais Danielle refuse le divorce et finit par accepter leur relation extraconjugale. Elle prendra toutefois sa "revanche" en 1976 en vivant une relation avec Jean, un professeur de sport. Cette fois, c'est l'homme politique, le socialiste qui, l'élection présidentielle de 1981 dans le viseur, ne veut pas entendre parler de divorce : ils signent alors un pacte tacite, en échange de l'installation de l'amant de Danielle dans le domicile privé du couple, rue de Bièvre.
"C'est le pire jour de ma vie"
Prête à renoncer à sa liberté, Anne Pingeot n'abandonne toutefois pas ses ambitions professionnelles. Dès 1973, elle prend part au projet du musée d'Orsay dont elle devient une conservatrice renommée et indiscutable, malgré les rumeurs de plus en plus envahissantes sur sa liaison. Surtout, elle ne veut pas renoncer à son désir d'enfant et, le 18 décembre 1974, Anne met au monde Mazarine Marie Pingeot, à Avignon. Six ans plus tard, sa vie va prendre un nouveau tournant lorsque, en pleurs devant son poste de télévision et sa petite fille sur les genoux, elle voit son amant être élu président, le 10 mai 1981. "C'est le pire jour de ma vie", confie-t-elle à une amie : elle est désormais condamnée au secret.
C'est seulement en 1983 que François Mitterrand accepte de vivre avec elle, pour voir grandir Mazarine. La famille s'installe dans une annexe de l'Élysée, dans 250 m², quai Branly. Toujours discrète, la "captive" Anne Pingeot ne se soumet pas. Elle "ne fume pas, ne boit pas de café, fuit les mondanités, le cinéma, les restaurants, critique les interventions de Cecchino à la télé, refuse avec dédain qu'il accroche une 'croûte' sur un mur de l'appartement". Prête à oublier, mais pas à s'oublier.
L'influence secrète d'Anne Pingeot
Preuve de son caractère, Anne Pingeot va même exercer une véritable influence sur François Mitterrand. Presque considérée comme une "vice-ministre" de la Culture, elle aurait notamment choisi Ieoh Ming Pei, l'homme derrière la pyramide du Louvre. Conquise par l'aile du musée qu'il avait conçue, elle aurait en effet eu un coup de foudre artistique pour lui au cours d'une exposition sur Rodin à la National Gallery of Art de Washington en 1981, avant que François Mitterrand ne la découvre en personne quelques mois plus tard.
Pour beaucoup, elle aurait donc soufflé ou choisi elle-même le nom de Pei, d'autant qu'aucun appel d'offre n'a jamais eu lieu. "C'est Anne qui a choisi Pei", a notamment assuré Pierre Tourlier, ex-chauffeur du défunt président. C'est au travers de cette pyramide que son influence sera reconnue officiellement par François Mitterrand quand, à la veille de son inauguration officielle, l'architecte sino-américain présente son oeuvre au couple, main dans la main, en présence de quelques intimes. "Par ce présent enserré comme dans un écrin, scintillant comme une pierre précieuse, joyau au coeur de Paris, Cecchino élève son amante à l'égale des reines de France", écrit David Le Bailly.
Les "souvenirs du passé"
Aujourd'hui âgée de 71 ans, l'ex-captive de François Mitterrand a laissé place à une retraitée aux cheveux blancs que l'on peut croiser sur son vélo dans les rues de la capitale. Le tout, sans aucune nostalgie apparente, d'autant qu'elle ne se rend presque jamais sur la tombe de son ancien amant. Et pour cause, l'ancienne conservatrice du musée d'Orsay tient surtout à une chose : "Ne pas abîmer les souvenirs du passé."