En 2016, on célèbre aussi bien le centenaire de la naissance, en 1916, que les vingt ans de la mort de François Mitterrand, en 1996. Dans le magazine ELLE, en kiosque ce vendredi 12 février, Mazarine Pingeot revient sur son enfance secrète et ses rapports avec son père. Sans langue de bois, elle raconte le choix de sa mère, Anne Pingeot.
Au printemps 2015, Anne Pingeot brisait pour la première fois le silence en répondant aux questions du journaliste Philip Short, qui fut correspondant de la BBC à Paris, pour son livre François Mitterrand, portrait d'un ambigu (Nouveau Monde éditions). La maman de Mazarine raconte par exemple que cette histoire d'amour inattendue bousculait ses convictions catholiques : "Je l'ai compensé par une vie exemplaire selon les valeurs d'autrefois, raconte-t-elle. Je n'ai jamais connu personne d'autre... Trente-deux ans de vie intense de bonheur... et de malheur." Dans ELLE, Mazarine explique que sa mère "est loin d'être une victime" : "Elle n'a pas subi une situation de femme dans l'ombre, elle l'a choisie. Dans cette configuration, les bénéfices sont énormes. Quand elle est cachée, l'histoire d'amour est magnifique, la passion est constamment reconduite. On ne se repose jamais sur une routine, puisqu'il y a toujours des obstacles à franchir. Alors même qu'elle partageait une vie quotidienne avec mon père, ma mère a un caractère sauvage qui lui aurait rendu la tâche désagréable si elle avait dû être l'épouse du président."
Quand elle est cachée, l'histoire d'amour est magnifique, la passion est constamment reconduite
Dans la biographie de l'ancien président signé Philip Short, Anne Pingeot révèle que l'élection de mai 1981 avait été l'un des jours les plus tristes de son histoire d'amour avec François Mitterrand, comprenant alors qu'elle était alors condamnée à la clandestinité. Mazarine n'avait que 6 ans, mais l'a bien ressenti : "J'était trop petite pour pouvoir être pleinement heureuse lors de la victoire, en 1981. Je garde de cette élection une sensation physique où a mère me transmet son angoisse - plus vivement que sa joie."
Dès lors, la fillette grandit bouche cousue, comme le titre de l'un de ses livres : "S'agissant de mon enfance, je suis amnésique. Comme j'ai grandi dans une famille en dehors de toute vie sociale, parce que cachée, j'ai peu de souvenirs de gestes anodins. J'avais conscience que je ne devais pas être vue. Me balader et faire les courses avec mon père, ça ne m'est jamais arrivée, raconte l'écrivaine dans ELLE. Ces milliards de petites choses qui constituent le quotidien des enfants, mais aussi une forme de transmission ordinaire, je ne les ai pas connues avec lui... Dans Bouche cousue, j'ai raconté comment j'ai pu dire en classe, toute fière, peu après l'élection de 1981 : 'Mon père, il est président de la République.' Vu l'air ébahi de mes camarades et de leur maîtresse, on ne m'y a pas reprise." Et Mazarine était encore trop petite pour "accommoder la vérité" : "Je ne crois pas qu'un enfant fasse le tri entre ce qui est énonçable et le reste. Soit il dit tout, soit il ne dit rien. Alors j'étais quelqu'un à qui il n'arrivait jamais rien."
J'étais quelqu'un à qui il n'arrivait jamais rien à être légitime
Après avoir vécu une longue histoire d'amour avec Ali Baddou dans les années 1990, Mazarine Pingeot a fondé une famille avec le réalisateur Mohamed Ulad-Mohand, dont elle est aujourd'hui séparée. Le couple a trois enfants : Astor (10 ans), Tara (8 ans) et Marie (6 ans). Elle répond à leurs questions, ils savent que François Mitterrand était leur grand-père. "Ma dernière fille adore me provoquer, raconte Mazarine. Particulièrement quand on est dans le métro et qu'il y a beaucoup de monde. Elle me regarde dans les yeux et souffle : 'Mazarine Pingeot.' Elle a compris que mon seul prénom porte quelque chose de mystérieux et que, rien qu'en me nommant en public, elle ravive une peur. Et à chaque fois, elle choisit un endroit bourré de monde. La dernière fois, je me suis vraiment fâchée : 'Pourquoi tu me montres du doigt ? Tu ne peux pas m'appeler maman ?' Ce faisant, je suis très ennuyée car je ne veux pas répéter le secret."
Ne pas répéter le secret, s'épanouir en tant qu'écrivain, prendre un chemin rien qu'à soi. Sa vie professionnelle, Mazarine Pingeot tient également à la vivre autrement : "J'ai mis du temps à être légitime. Ça a été une vraie construction... J'ai plusieurs métiers qui se nourrissent les uns les autres. Je suis prof de philo à l'université Paris-8, et j'adore enseigner car c'est ce qui me permet d'être en lien avec la jeunesse. Je lance une collection chez Robert Laffont et j'écris des scénarios et des romans ! Toute mon enfance, j'ai vu ma mère passionnée et monomaniaque, avec un seul métier [conservatrice du musée d'Orsay, NDLR], un seul enfant, un seul homme. Ma vie est l'inverse, pleine de débordements et de multiplicité." Mazarine Pingeot est aujourd'hui en couple avec le diplomate Didier Le Bret, coordonnateur national du Renseignement.
Retrouvez l'intégralité de cette passionnante interview dans ELLE, en kiosque le 12 février.