Les doutes glaçaient le sang il y a quelques semaines, maintenant, c'est un visage qui suscite le malaise. Il s'agit de celui de Michel Pialle, le mari de Karine Esquivillon est passé aux aveux durant sa garde à vue dans la nuit du 15 au 16 juin 2023. Dans le numéro de ce dimanche 18 juin 2023 de Sept à Huit sur TF1, figure une interview de cet homme réalisée au mois de mai, durant laquelle on peut observer non sans effroi son aplomb concernant la disparition de son épouse.
Affirmant être du côté des gendarmes qu'il attendait avec impatience pour comprendre ce qui était arrivé à son épouse, Michel Pialle avait dit comprendre que de nombreux soupçons pèsent sur lui, car c'est le scénario classique : "Je leur ai dit : 'Allez-y ! Pas de problème. Je n'ai rien à me reprocher. Faites tout ce que vous avez à faire." Durant trois mois, sa femme a été portée disparue, et les regards se sont rapidement tournés vers lui. Pour lui, c'est évident puisque de nombreuses affaires vont dans ce sens, telles que l'affaire Daval ou encore, celle non élucidée pour l'heure, de Delphine Jubillar.
Avant d'avouer le meurtre de sa femme, Michel Pialle faisait croire à une disparition volontaire de Karine Esquivillon. Il était d'ailleurs le seul à y croire puisque ses enfants - elle en a cinq, dont deux de 12 et 15 ans avec l'actuel présumé coupable -, sa soeur Adelaïde ou encore son précédent mari, n'y croyaient pas, certains qu'elle n'aurait jamais abandonné ainsi sa progéniture. L'accusé clamait de son côté qu'elle avait préparé son départ, arguant avoir reçu un sms envoyé de son téléphone sur lequel on pouvait lire : "Marre de vivre à deux, mais pas en couple. Je décide de partir, j'ai pris certaines choses, je reviendrai vers toi pour les enfants." Aujourd'hui, on sait qu'il n'en est rien mais l'enquête suit son cours, suivie de près par les médias comme BFMTV, victime ce vendredi d'une sorte de "piratage" de voix ahurissant.
Comment Michel Pialle a-t-il pu accepter de faire cette interview, quelques semaines après avoir tué la mère de ses enfants ? "Quand on a tué quelqu'un, on bascule dans un monde mental totalement différent", explique à l'AFP Roland Coutanceau, criminologue et psychiatre. Une fois un crime commis, "à partir du moment où vous ne choisissez pas la manière la plus 'morale' (à savoir, l'aveu), il reste deux possibilités" : la fuite ou l'élaboration d'un scénario. Dans le cas du "scénario", une fois "le premier acte" posé, la personne se retrouve prisonnière de l'histoire inventée et la "complète au fur et à mesure", déroule le psychiatre.
Mais cette construction n'est pas à la portée de tous les psychismes. "La plupart des criminels sont affectés par leur acte et attendent dans une relative passivité", selon le Dr Coutanceau. "Etre capable comme si de rien n'était de participer à la construction d'un scénario alternatif est plus difficile pour le psychisme", et il faut pour cela "un peu d'égocentrisme". Ensuite, le sujet devient "pris au piège" de son propre mensonge.