Champagne, fête, monde de la nuit... Michou (84 ans) se fiche bien de son âge et continue de vivre intensément sa vie. Roi du célèbre cabaret parisien qui porte son nom, l'homme connu pour son rire et sa bonne humeur a accordé une grande interview au magazine Technikart. Ses débuts, son homosexualité, ses amitiés parfois louches... il dit tout.
L'homme en bleu est un des emblèmes du Paris by night et plus précisément de Montmartre où se trouve son cabaret (80 rue des Martyrs). Mais avant de faire du transformisme un art, Michou a galéré. Dans les années 1940, le champagne ne coulait pas encore à flots. Le jeune Michou rêvait d'un ailleurs où vivre son homosexualité. "Très jeune, je venais le week-end à Paris avec un ami, on allait se faire draguer dans les promenoirs de l'Alhambra... J'étais déjà différents des autres, je le savais bien. Un jour, un de mes collègues à l'usine - à l'époque je débutais dans une usine de confection à Amiens - m'a dit en rigolant : 'Tu serais pas de la bicyclette du dimanche ?' Je n'ai pas su quoi lui répondre ! Aujourd'hui je lui dirais : 'Oui et pas seulement le dimanche !'"
En 1956, Michou se lance et ouvre un minuscule bar avec des amis où il chante et se grime. Un succès total et immédiat synonyme de médiatisation. Mais ce n'est pas de ça dont Michou est fier, l'homme en bleu est surtout heureux d'avoir ouvert un lieu où les hommes qui aiment les hommes pouvaient se croiser. "A la fin des années 1960, des hommes de 30, 40 ans me remerciaient de les avoir libérés avant la libération sexuelle", lâche-t-il. A cette époque, il est alors interdit à deux personnes du même sexe de danser ensemble.
Montmartre devient alors le QG de Michou qui a est à la tête d'une petite bande : l'écrivain-dramaturge Marcel Aymé, le peintre Gen Paul et des truands de renom comme Jo Attia et la figure du Milieu de Pigalle, François Marcantoni. Sur ces derniers, Micho déclare sans détour : "Ils ont toujours eu beaucoup de respect pour moi."
Puis le personnage Michou naît, avec ses vêtements et ses lunettes. Un style qu'il s'est lui-même forgé. "Pendant longtemps, c'est Francesco Smalto qui me confectionnait mes costumes. Smalto savait très bien m'habiller... J'aurais préféré qu'il me déshabille", confie celui qui précise choisir aujourd'hui lui-même ses tissus au marché de Saint-Pierre. Quant aux lunettes ? Elles ont été dessinées par Pierre Marly (celui qui a également créé les célèbres lunettes de soleil de Michel Polnareff). Une belle paire que Michou n'a pas porté pour la frime mais parce que sa vue baissait.
Mais si ce total look bleu amuse Michou, l'homme de la nuit en a un peu marre que son style soit plus commenté que le reste. "On m'en parle tout le temps ! Avant on parlait de mes fesse, maintenant on ne parle plus que de mes lunettes !", commente-t-il avec humour.
A 84 ans, le cabaret de Michou ne désemplit pas et l'homme passionne toujours autant. Rina Sherman, écrivain et ethnologue qui a travaillé sept ans sur les tribus africaines, a eu un vrai coup de coeur pour le roi de la nuit et a choisi de l'étudier. "Je l'ai rencontré et je me suis dit qu'il y avait là un beau sujet, quelques de passionnant", confie celle qui filme depuis deux ans la vie de Michou. Ce qui n'est pas pour déplaire à ce dernier ! Car si Michou privilégie le rire à la nostalgie, il le sait, il n'est pas éternel. "J'ai accepté sa proposition en me disant qu'il fallait que je laisse quelque chose, un souvenir pour ceux qui m'ont aimé, qui m'ont connu, ou pas connu.. une trace", confie-t-il ne se rendant pas compte que cela fait fort longtemps qu'il est déjà inscrit dans les mémoires de plusieurs générations de parisien et parisiennes.