De Mireille Darc, on connaît sa carrière – comment oublier sa remarquable robe fendue dans le dos dans Le Grand Blond avec une chaussure noire ? -, son coeur fragile ou encore son amour pour Alain Delon. Des bribes de vie développées dans une biographie, Mireille Darc, une femme libre (éd. Flammarion), écrite par son ami photographe Richard Melloul et parue le 6 novembre dernier.
Née à Toulon en 1938, Mireille Darc a connu la guerre, la pauvreté mais aussi et surtout le manque d'amour. Porter des vêtements défraîchis, qui lui ont valu les railleries des filles de son âge, ou encore manquer d'à peu près tout n'a pas été un problème pour la jeune fille frêle et discrète qu'elle était. À l'inverse, voir sa mère ne pas "manger à sa faim" ou encore son père faire comme si elle n'existait pas l'a beaucoup marquée. Il faut dire que sa relation au père est particulière. Toute son enfance, l'actrice a eu l'intime conviction que ce papa n'était pas vraiment le sien. Et comment s'en sortir indemne lorsque l'on supplie, à coups de "je t'aime", son père de ne pas se pendre là, tout de suite, dans le grenier ? "Sur moi, il se venge de son destin. Mais je lui ai tout pardonné", déclare-t-elle aujourd'hui avec recul.
C'est durant ces années ponctuées de petites joies et de grandes tristesses que Mireille Darc a grandi et développé une soif de vie et de liberté qui ne l'ont jamais quittée depuis. Car la blonde, qui a intégré à l'époque le Conservatoire un peu par hasard, a décidé de venir à Paris, loin de sa famille, et de tenter sa chance. Une envie de liberté ? Certainement, mais aussi de reconnaissance. Sa mère, son père et ses frères seraient-ils enfin fiers d'elle si elle devenait célèbre ? Mireille Aigroz a alors changé de nom, elle est devenue Mireille Darc en hommage à la célèbre Jeanne. Très vite, elle décroche des contrats et son premier grand rôle dans Pouic-pouic de Jean Girault. Elle devient rapidement connue.
Malgré tout, celle qui s'est fait un nom dans le cinéma en tournant notamment treize films avec Georges Lautner n'a pas de nouvelles de ses proches. Ses parents ne sont-ils pas impressionnés de voir leur Mireille Aigroz sur les affiches de cinéma ? À ses débuts, durant les années de vache maigre, Mireille Darc a tout de même reçu des saucissons de la part de sa mère. Un geste comme un autre.
Le bonheur est pourtant là. Alors que mai 68 bat son plein et voit les pavés voler dans tous les sens, Alain Delon se rapproche de Mireille Darc. Ces deux stars ont de nombreuses choses en commun et en discutent des nuits entières au téléphone. La jolie blonde doit pourtant s'envoler pour Rome pour le tournage de Gonflés à bloc, au côté de Tony Curtis et Bourvil. L'ex-compagnon de Romy Schneider lui propose alors un scénario, celui de Jeff, et le lui remet en main propre à Rome. Le charme de la ville a fait le reste. Quinze ans de vie commune ont suivi. "Alain et moi, nous n'aurons jamais de scènes dramatiques, il n'y aura pas de vaisselle cassée [...] Tout - bon et mauvais moment - se passera toujours dans un grand respect l'un de l'autre", raconte-t-elle dans le livre. Pendant toutes ces années, l'actrice prend notamment soin d'Anthony Delon, fils qu'Alain Delon a eu avec son ex-épouse Nathalie. "Ce gamin adorable me touche et me plaît", a-t-elle écrit. Ne pouvant pas avoir d'enfant - elle a une malformation cardiaque qui interdit toute grossesse -, Mireille Darc donne donc beaucoup d'amour à Anthony.
Des années de paix et de joie passées dans la propriété de Douchy, dans le Loiret. "Nous ne pourrons jamais avoir d'enfant ensemble, nous créons notre propre univers", explique-t-elle. Un univers qui a volé en éclats après une embolie cérébrale. L'essentiel était qu'Alain Delon lui ait tenu la main à l'hôpital. Le rétablissement s'est déroulé à Marrakech, là où le couple a acheté une maison. Pendant que la malade retapait le domaine, Alain Delon est reparti à Paris pour le film Pour la peau d'un flic au côté d'Anne Parillaud. "Il y a une fausse note. Petite, mais fausse quand même. C'est imperceptible : un regard ailleurs, un mot déplacé, une soirée avec des silences. Les hommes sont faibles devant la maladie ou la chirurgie, je le sais. [...] Spontanément, elle a établi une relation avec moi. Elle m'a appelée pour me demander quel cadeau elle pouvait faire à Alain. Je ne lui en veux pas. Si elle n'était pas passée, une autre aurait pris la place. Entre Alain et moi, désormais, les choses sont différentes", dit-t-elle avec recul.
À ce moment-là, c'était "le désamour". Mireille Darc sait bien que "ce n'est pas de sa faute si Alain Delon" ne l'aime plus. Alors le temps a passé, chacun a suivi le cours de sa vie et Mireille Darc, sous le tunnel d'Aoste, a été victime d'un très grave accident de voiture. Le bilan a été lourd, sa colonne vertébrale a été brisée mais une fois encore, Alain Delon était là. À ses côtés, discret et forcé de rappeler à Mireille, désorientée sur son lit d'hôpital, qu'ils étaient bel et bien séparés. L'amitié et l'amour n'ont jamais cessé et pour raconter une des plus belles love stories qui existent, l'acteur a tout naturellement demandé à Mireille Darc de monter sur les planches à ses côtés pour Sur la route de Madison.
Sarah Rahimipour
"Mireille Darc, une femme libre", de Richard Melloul (Flammarion), biographie illustrée et commentée par l'actrice.