L'étau semble se resserrer sur les joueurs du Montpellier Agglomération Handball (MAHB) et leurs proches...
Lundi 1er octobre, le procureur de la République à Montpellier, Brice Robin, a tenu une conférence de presse sur l'affaire qui secoue actuellement le hand tricolore. Et l'homme n'y va pas par quatre chemins : "J'ai refusé de croire que des joueurs aussi talentueux aient pu se laisser aller à de tels errements."
Une déclaration qui fait suite à la garde à vue de dix-huit personnes, dont neuf joueurs évoluant ou ayant évolué à Montpellier, suspectées d'avoir parié sur la défaite de Montpellier lors du match de championnat de la saison dernière entre Cesson-Sévigné et le MAHB, et d'avoir laissé filer le match. Le champion olympique Nikola Karabatic et son frère Luka, qui ont reconnu les paris, Mickaël Robin, Primoz Prost, Samuel Honrubia, Wissem Hmam, Dragan Gajic, Mladen Bojinovic et Vid Kavticnik sont ainsi concernés par la procédure, ainsi que l'animatrice de NRJ 12 et compagne de Luka Karabatic, Jeny Priez, suspendue d'antenne depuis.
"Il ressort de l'ensemble des investigations des enquêteurs que de très fortes suspicions pèsent sur le non-respect de l'éthique sportive à l'occasion de ce match litigieux", a expliqué Brice Robin. Le dossier repose à la fois sur des données financières et des paris suspects, mais également sur des données sportives étonnantes.
Paris suspects
Ainsi, le montant des paris ce jour-là était "40 fois ce qui est normalement parié à la mi-temps d'un match de handball", ces derniers ayant été effectués à Montpellier, Rennes et en banlieue parisienne : "En une heure, près de 90 000 euros ont été engagés. (...) Tous ces paris ont été pris par multiples de 100 euros." Une technique qui permet de ne pas révéler son identité, et une combine qui aurait permis de gagner pas moins de 252 880 euros. Autre mouvement suspect, le plus gros parieur serait le gérant d'un bar du Nord de Montpellier qui "a reconnu avoir engagé des paris à hauteur de 15 400 euros dans son bar, puis de 10 100 euros dans un bar voisin". Le procureur a par la suite précisé que "le lien [était] établi en procédure entre ce parieur le plus important et les joueurs." Brice Robin a également pointé du doigt Nikola Karabatic, "mis en cause pour avoir retiré 1 500 euros et parce que sa compagne a parié pour son compte et retiré des gains", ce qu'interdit formellement la loi. Cette dernière est restée silencieuse face aux enquêteurs, alors que la compagne de Luka Karabatic, Jeny Priez, a pour sa part reconnu les paris.
Soupçons de match truqué
D'un point de vue sportif, le procureur de Montpellier a mis en évidence les performances surprenantes des joueurs lors de la défaite face à Cesson-Sévigné, pourtant relégable. Ainsi, la prestation du gardien Mickaël Robin a été jugée "très moyenne" en première mi-temps, période sur laquelle portait les paris. En attaque également, quelques gestes ont surpris, comme un "tir immanquable" passé très loin du cadre. A la mi-temps, l'entraîneur Patrice Canayer aurait "passé un savon" à ses troupes. Autre élément troublant, la même équipe avait atomisé Saint-Raphaël la semaine suivante, une équipe d'un niveau bien plus élevé que Cesson-Sévigné. Pour le procureur, les éléments sont donc suffisants pour penser que certains joueurs "ont levé le pied ou tiré le frein à main", et d'ajouter : "Peut-on jouer normalement un match quand on a engagé personnellement des sommes aussi importantes et quand on sait qu'on a parié la défaite de son club ?" Ainsi, si les joueurs étaient reconnus coupables de "fraude et corruption sportive", ils pourraient se voir infliger des peines allant jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende.
Réactions
Du côté des avocats, la sortie du procureur de la République agace. "C'est une violation du secret de l'instruction, a ainsi déclaré Me Caty Richard, avocate de Wissem Hmam. Il a livré un véritable réquisitoire, hors de salle d'audience, un réquisitoire sans qu'il y ait possibilité d'avoir le moindre contradictoire. C'est tout simplement... ce n'est pas de la justice. D'abord, il affirme des choses, ensuite il donne des noms, des chiffres. Un avocat ferait cela, il serait poursuivi pour violation du secret de l'instruction. Je nie farouchement que nous ayons eu accès aux pièces de la procédure. Quand j'entends M. le procureur affirmer une chose pareille, je dis que tout son discours perd en crédibilité. La justice ne se fait pas en conférence de presse."
Même son de cloche chez Me Michael Corbier, un des avocats des frères Karabatic : "J'ai été particulièrement surpris d'entendre le procureur de Montpellier requérir par le truchement des médias. J'ai bien compris que sa conviction était faite, mais il est hors de question que ces gens-là soient jugés, condamnés avant d'avoir pu être défendus. Je trouve impossible qu'on nous prive, nous, la défense, de ces éléments essentiels et qu'on vienne par le truchement des médias faire état de sa conviction."
Libérations
En attendant, la procédure judiciaire se poursuit, et les premières personnes devraient être présentées ce mardi au magistrat instructeur. Lundi soir, plusieurs joueurs ont été relâchés, parmi lesquels Nikola Karabatic et son frère Luka, et ont quitté le service central des courses et jeux à Nanterre pour rejoindre Montpellier, où l'instruction est menée (ils se sont présentés devant le juge à midi ce mardi). Une information confirmée à l'AFP par Me Jean-Yves Liénard, l'un des avocats de la défense. Et alors que Mickaël Robin, Vid Kavticnik et Wissem Hmam étaient à leur tour relâchés, on apprenait le placement en garde à vue d'un autre joueur du club de Montpellier, Issam Tej.
Ce matin, Me Caty Richard annonçait qu'il n'y avait "plus personne à Nanterre. Tout le monde est en route pour Montpellier." Pour autant, les avocats ont tenu à clarifier la situation, alors que certains parlaient de "remise en liberté technique", un terme qui "n'existe pas" pour Me Richard : "Ils sont libérés ou ils ne le sont pas. On essaie de faire passer leur libération pour une demi-libération. Le juge a simplement voulu en libérer certains et en faire présenter d'autres."
Un véritable séisme dans le petit monde du handball qui a ému le sélectionneur des tricolores champions olympiques à Londres, Claude Onesta : "Je suis dans la peine pour eux. Ce sont des garçons pour qui j'ai beaucoup d'estime et même beaucoup d'affection. (...) Apparemment, ils ont commis une erreur grave. Elle doit être punie et sanctionnée de manière exemplaire parce que ce n'est pas supportable. J'attends que l'enquête se poursuive. Si les faits sont avérés ou avoués, la sanction sera méritée, et je sais qu'ils l'accepteront parce qu'ils ont dû prendre conscience de la gravité de la situation."