"Je n'oublierai jamais la première fois où je vous ai aperçu dans les couloirs des éditions Raoul Breton, rue Ampère à Paris... Mon coeur s'est emballé, j'avais tout juste 20 ans, et là, à quelques mètres de moi, l'un des plus grands artistes de tous les temps." Quelques années après cette émotion foudroyante, Grégory Bakian a été foudroyé à nouveau, comme une nation toute entière, en apprenant le 1er octobre 2018 la mort de Charles Aznavour. Son idole, devenue avec bienveillance son mentor, presque un parrain...
Car après avoir trouvé sa voix et, par la même occasion, sa voie, celle de la musique plutôt que celle des circuits automobiles, Grégory Bakian avait trouvé son maître. Sa première rencontre avec le grand Charles et les moments inoubliables qui l'ont suivie, il nous les avait contés en détails vibrants il y a quelques mois et c'était pour ainsi dire l'adolescence de sa carrière de chanteur - L'Adolescence, précisément le titre de la chanson magnifique dont Monsieur Aznavour, charmé par sa voix, lui avait aimablement fait cadeau (ainsi que de deux autres chansons pour l'heure gardées secrètes). Fortifié par ce présent et par cette présence, Grégory avait continué son chemin vers l'âge adulte, artistiquement parlant, et se trouve aujourd'hui orphelin.
Bouleversé par la disparition de ce géant dont il louait et loue encore l'humilité, Grégory Bakian lui a rendu hommage avec des mots très effusifs via son compte Instagram, mais aussi en chanson. Maître Chanteur (Seiya Records), témoignage de son admiration qu'il interprétait sur scène depuis cinq années, est désormais disponible en téléchargement légal, distribué par le label Believe. "Ils ont voulu le publier, ce que j'ai accepté, mais j'aurais préféré que mon témoignage soit partagé plus tôt", a confié l'artiste au quotidien La Provence, qui ne saura jamais si son modèle avait eu l'occasion de l'entendre "avant de s'en aller". "Je devais la chanter devant lui lors d'une soirée dans le sud de la France, mais Charles a dû s'absenter", a-t-il précisé à ce sujet.
Sur une musique d'Yves Gilbert, le parolier Thierry Sforza y retrace avec des mots harmonieux l'enfance et la difficile ascension du jeune Aznavour : "Sur la scène de l'Odéon, il fait ses tout premiers pas / Sa seconde religion devient son chemin de croix / Le roman de sa jeunesse est teinté de nostalgie / Quand des ombres réapparaissent dans les heures noires de ses nuits (...) Dans la salle Washington / Le destin se force à deux / Devant la Môme il fredonne / Pour la première fois il pleut / Et de l'enroué vers l'or / Aux planches du Carnegie Hall / Il a trouvé son accord au creux de notre épaule." Et la voix de Grégory Bakian donne toute leur ampleur à ces chapitres du roman d'une vie. "Voilà quelques années que je défendais sur scène ce titre, "Maître Chanteur", tant mon amour, ma reconnaissance et mon admiration pour vous étaient immenses... Il résonne forcément un peu différemment aujourd'hui... Je ne vous oublierai jamais", a-t-il expliqué en présentant sa chanson au grand public.
"Sonné" au point de ne vouloir "parler à personne pendant plusieurs jours" suite à la nouvelle du décès de Charles Aznavour, Grégory Bakian était sorti de son silence le jour de l'hommage national rendu à l'artiste aux Invalides, partageant ses souvenirs sur le plateau de C News, le 5 octobre.
Accordant un satisfecit à la cérémonie - "un hommage sobre, précis, il n'y avait rien qui dépassait, à l'image de Charles" -, il avait évoqué à cette occasion leur dernier déjeuner ensemble, à Marseille, quelques mois plus tôt.
La prochaine tournée de Grégory Bakian sera à n'en pas douter marquée par le désir de rendre dûment hommage à Charles Aznavour. "Je n'oublierai jamais chacune de mes rencontres avec vous, chacun de vos mots, toujours emplis de sagesse et d'amour, concluait-il son message endeuillé. Je ne serai pas celui que je suis sans vous, sans Mischa, je vous imaginais éternel, rendez-vous au pays des merveilles... Merci Charles, je vous aime."