L'Afrique du Sud est orpheline : Nelson Mandela est mort. Icône de la lutte anti-apartheid, l'ancien président sud-africain "s'est éteint" à l'âge de 95 ans à son domicile de Johannesburg, a annoncé jeudi soir (5 décembre 2013) l'actuel président Jacob Zuma en direct à la télévision publique. "Notre cher Madiba aura des funérailles d'Etat", a-t-il ajouté, annonçant que les drapeaux seraient en berne à partir de vendredi et jusqu'aux obsèques.
Depuis des mois, et son hospitalisation le 8 juin après une rechute de son infection pulmonaire, Nelson Mandela se trouvait dans un état critique, et tout le peuple sud-africain ainsi que son entourage se préparaient à sa disparition mais sans vouloir se résoudre à l'accepter : "Intellectuellement, je sais qu'il est en train de mourir. Mais émotionnellement, je ne suis pas prête", confiait le week-end dernier à ce titre Zindzi, sa plus jeune fille, au New York Times. Pendant tout ce temps, c'est un dernier combat exemplaire que "Madiba" a mené, brave, sous le regard inquiet et fier de ses compatriotes, défiant la mort : "Tata (Père) est toujours avec nous, très fort, (...) très courageux, même - faute d'une meilleure expression - sur son lit de mort, déclarait mardi Makaziwe, l'aînée de ses enfants encore en vie. Je crois qu'il nous donne toujours des leçons : des leçons de patience, des leçons d'amour, des leçons de tolérance (...) Chaque moment, chaque minute avec Tata me stupéfie. Il y a des moments où je dois me pincer pour voir que je descends bien de cet homme qui est si fort, qui est un battant (...) Il y a des moments où vous pouvez voir qu'il lutte (contre la mort), mais il a toujours l'esprit de combat."
L'épilogue funeste de cette lutte perdue d'avance s'est dessinée jeudi : plusieurs membres de la famille de Nelson Mandela et proches se sont rassemblés jeudi à son domicile médicalisé de Johannesburg, où l'ancien président sud-africain continuer d'être en soins et de réagir aux traitements, selon son dernier bulletin médical, en date du 18 novembre. Deux petites-filles de Mandela et un proche de la famille, l'homme politique Bantu Holomisa, ont été aperçus en train d'entrer dans la maison devant laquelle plusieurs dizaines de voitures sont venues déposer des visiteurs et des militaires, a constaté une journaliste de l'AFP. Des visites massives, 48 heures après que Makaziwe avait évoqué le "lit de mort" de son icône de père, qui s'avéraient hélas très significatives.
Comme un passage de témoin entre histoire et legs, le décès de Nelson Mandela intervient alors qu'est sorti en salles le film tiré de son autobiographie. Mandela: Un long chemin vers la liberté, film produit et réalisé en Afrique du Sud avec des acteurs locaux et britanniques, a pris la tête du box-office en Afrique du Sud quelques jours après sa sortie, réalisant une recette historique. Une projection VIP avait en amont été organisée pour la famille et diverses personnalités. Toute la vie et l'oeuvre de Nelson Mandela ont été reliés dans un gros volume nommé Opus Mandela - un carré de 50 cm de côté, pour 37 kilos, la moitié du contenu étant inédite, souligne l'AFP.
Très affaibli, "Madiba", de son nom de clan, avait été hospitalisé le 8 juin pour la énième fois à cause d'une infection pulmonaire puis placé sous assistance respiratoire. Entre la vie et la mort pendant plusieurs jours, l'icône s'était retrouvée dans un "état végétatif" et sa famille avait même envisagé de débrancher les appareils maintenants l'ancien président en vie. Depuis la matinée du samedi 8 juin, date à laquelle Nelson Mandela avait été admis à l'hôpital de Pretoria dans un état "grave" mais "stable", le peuple sud-africain retenait son souffle. Apparu le visage figé fin avril après avoir multiplié les hospitalisations durant les mois précédents, l'ancien-président honoré par la Ville de Paris inquiétait de plus en plus. Toujours pour cette infection pulmonaire qui le poursuivait depuis de très nombreuses années, le Prix Nobel de la Paix 1993 avait déjà été hospitalisé en décembre 2012 pendant dix-neuf jours, puis en mars dernier après une rechute.
L'infection pulmonaire de Nelson Mandela provenait d'une tuberculose qu'il avait contractée durant son séjour sur l'île-prison de Robben Island, où il a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention, avant de devenir, en 1994, le tout premier président noir d'Afrique du Sud. Depuis la finale de la Coupe du Monde 2010 à Johannesburg, où il s'était montré avec son épouse, Madiba n'apparaissait quasiment plus en public.
Mardi 25 juin, la famille de Nelson Mandela se préparait déjà à l'inévitable et s'était réunie à Qunu, le village d'enfance de l'ancien président sud-africain qui était alors toujours dans un état "critique", afin d'évoquer le lieu où il devait être enterré. Officiellement, c'est à Qunu que l'ex-chef d'État devrait reposer en paix : "Ma famille est ici et je voudrais être enterré ici, à la maison", avait-il déclaré en 2003 dans un documentaire. Certains proches, eux, souhaiteraient qu'il repose plutôt dans le village de Mvezo, où il est né.
La famille de Nelson Mandela, qui s'est récemment déchirée pour une sordide affaire de sépultures déplacées, conseillée par des médecins, avait envisagé selon un document de justice de "débrancher" le prix Nobel de la Paix 1993, avant d'écarter cette option quelques jours plus tard. Les médecins de l'ex-président avait alors exclu de débrancher les appareils qui le maintenaient en vie tant qu'il n'y avait pas de "réelle défaillance des organes" vitaux.
"Icône mondiale de la réconciliation", comme l'avait décrit Desmond Tutu, Nelson Mandela laisse derrière lui trois enfants encore vivants sur les six qu'il a eus en tout. Makaziwe (60 ans), née de son mariage avec Evelyn Ntoko Mase, Zenani (55 ans) et Zindziswa (57 ans), toutes deux nées de son deuxième mariage avec Winnie Madikizela-Mandela, ainsi que dix-sept petits-enfants et douze arrière-petits-enfants. Madiba s'était remarié une troisième fois le jour de ses 80 ans, en 1998, avec Graça Machel, la veuve de l'ancien président mozambicain Samora Machel.