Laisse aller, c'est un requiem. S'il ne sera pas là pour voir "le jour où on mettra les cons sur orbite" (Le Pacha), bien des copains et des anonymes qui lui survivent étaient présents samedi matin (30 novembre) à Nice pour voir Georges Lautner rejoindre le firmament des grands.
"On sera gai quand même, car il avait de la gaieté"
Les obsèques du cinéaste, réalisateur entre autres des Tontons flingueurs mort vendredi 22 novembre à l'âge de 87 ans des suites d'une longue maladie, ont eu lieu à partir de 11 heures en la cathédrale Sainte-Réparate du Vieux-Nice, en présence d'un certain nombre de personnalités, et, surtout, d'une foule nombreuse venue saluer la mémoire de ce géant du cinéma populaire et enfant du pays aux qualités humaines unanimement reconnues, qui souhaitait que la cérémonie soit ouverte à tous.
"On sera gai quand même, car il avait de la gaieté", a même promis, au moment d'entrer dans l'édifice sous une salve d'applaudissements après son arrivée à bord d'une voiture de sport rouge avec son fils Paul et son ami de toujours Charles Gérard, un Jean-Paul Belmondo visiblement attristé mais soucieux d'afficher ce sourire lumineux qu'on lui connaît, comme un cadeau d'adieu à son "ami sincère". "On devait partir ensemble, et il s'est loupé", avait réagi avec émotion - et une gouaille idoine - le Guignolo de Lautner à l'annonce du décès de son complice quelques jours plus tôt. La veille au soir, Bébel et quelques autres de la bande à Lautner - Charles Gérard, Aldo Maccione, Jeff Domenech, réalisateur d'un documentaire précieux - s'étaient déjà réunis, s'attablant autour de leurs souvenirs - dont, sans doute, ceux dans l'intimité du défunt en son moulin de Grasse - chez Mamo au Michelangelo, leur repaire d'Antibes. "On est tous ici, avec l'impression qu'on va le retrouver à notre table", confiait alors à Nice-Matin le héros de Flic ou Voyou (début de leur histoire de 7e Art et d'amitié) et du Professionnel (leur plus grand succès), déplorant que cet "ami profond mais aussi homme de cinéma formidable" n'ait pas reçu de prix majeur du métier de son vivant. "Mais bon, de là où il est, Georges s'en fout !", relativisait aussitôt celui qui avait porté son tout dernier film, L'Inconnu dans la maison (1992). Ne nous fâchons pas, ce n'est plus le moment.
"On a perdu quelqu'un de bien", a pour sa part estimé devant les médias Aldo Maccione, qui s'est abstenu, contrairement à son arrivée au dîner-veillée de vendredi, de faire son fameux petit pas de danse. Son compatriote Venantino Venantini, 83 ans, l'une des dernières figures des Tontons flingueurs avec Claude Rich, a eu lui aussi des mots très forts, déclarant : "C'était un géant, je pense toujours à lui, il me manque énormément."
"Mon père voulait que tout soit très simple et qu'un air de gospel soit joué à la fin"
A l'instar de nombreux collaborateurs de Georges Lautner, le pape de la cascade Rémy Julienne, qui avait oeuvré sur la plupart des films du cinéaste, était présent auprès de la famille du défunt, en particulier son fils Thomas et sa fille Alice, dans une cathédrale Sainte-Réparate "archi-comble", tout comme la place Rossetti voisine. "Mon père voulait que la cérémonie soit ouverte à tous, avait signalé cette semaine son fils Thomas Lautner, organisant les funérailles. Il a lui-même fait part de ses dernières volontés en nous laissant des petits mots. Ma fille Nico, qui a huit ans, lira l'un d'entre eux lors de la bénédiction. Mon père voulait que tout soit très simple et qu'un air de gospel soit joué à la fin."
Absente notable du côté du monde du cinéma, dont la délégatuion comptait aussi Cyrielle Clair (Le Professionnel), Henri Guybet, Jean Gaven ou encore le président de Gaumont Nicolas Seydoux, Mireille Darc, que Georges Lautner avait fait tourner pour la première fois dans Des pissenlits par la racine en 1964 (la fameuse "Rockie la Braise") puis dans nombre de ses films ultérieurs, était souffrante et avait fait parvenir un mot à la famille, indique Nice-Matin. Anny Duperey, qui donnait la réplique à Jean Lefebvre dans Pas de Problème ! (1974) devant la caméra de Lautner, était elle simultanément invitée dans les studios de RTL pour Le Journal Inattendu, et s'est remémoré, au détour de quelques anecdotes de tournage, "un homme d'une élégance et d'une bienveillance formidables".
Le député-maire de Nice Christian Estrosi et le président du conseil général des Alpes-Maritimes faisaient également partie de l'assistance, de même que le sénateur-maire de Grasse Jean-Pierre Leleux, ami intime de la famille de Georges Lautner, qui était très attaché à sa région natale et vivait depuis 1960 dans un moulin situé à Grasse ayant appartenu à sa mère Renée Saint-Cyr, vue dans onze des films de son fils et décédée en 2004. La ministre de la Culture Aurélie Filippetti était représentée par Denis Lorche, directeur de la Drac de Provence-Alpes-Côte d'Azur, précise par ailleurs l'AFP.
Après le service religieux, Georges Lautner devait être inhumé dans un caveau familial du cimetière du Château, qui surplombe la cité azuréenne, auprès de sa mère et de son épouse Caroline, avec qui il eut deux enfants.